L’anthropologie filmée à la BnF

L’accueil sur le site François-Mitterrand d’une journée du Festival international Jean Rouch le 6 mai prochain offre l’occasion de revenir sur la constitution des collections de films ethnographiques conservés au département Son, vidéo, multimédia.
 

S’il est un domaine scientifique qui a très vite saisi l’intérêt du cinéma, c’est bien l’anthropologie, comme en témoigne Nanouk l’esquimau de Robert Flaherty (1922), film fondateur du cinéma documentaire. Dans son sillage, de grands noms de l’ethnographie comme Marcel Griaule, Jean Rouch ou encore Thérèse Rivière prennent la caméra pour documenter leurs enquêtes de terrain. L’apparition de la technologie vidéo en France au cours des années 1970 renforce encore cette pratique.

Le cinéaste Luc de Heusch sur le tournage de son film « Fête chez les Hamba » - Photo © Fondation Henri Storck

Un intérêt pour les films d’anthropologues

Avec l’instauration, en 1975, de la collecte du dépôt légal des œuvres nativement tournées en vidéo, la BnF devient le lieu naturel de conservation, de consultation et de valorisation de l’anthropologie visuelle. Outre l’édition vidéo commerciale dont la Bibliothèque collecte les catalogues des producteurs et diffuseurs de référence, tels la Société française d’anthropologie visuelle ou les Ateliers Varan, le département Son, vidéo, multimédia porte une attention toute particulière aux films des chercheurs anthropologues-cinéastes. Il conserve par exemple les films réalisés dans le cadre de la Formation de recherches cinématographiques de Nanterre, qui représentent aujourd’hui près de cinq cents supports physiques et numériques. Créé par Jean Rouch en 1971, ce centre de recherche forme encore chaque année une vingtaine d’étudiants à l’anthropologie filmée.

Ce travail de collecte et d’archivage du service Vidéo vient renforcer celui du service Son, qui, depuis les années 1930, conserve de nombreuses collectes orales, en France et dans le monde entier. Chaque année, ces collections nationales sont également complétées par des acquisitions vidéo étrangères. Sur le site François-Mitterrand, les postes audiovisuels de la salle P permettent ainsi d’accéder, en un seul lieu, aux œuvres diffusées par le Royal Anthropological Institute, le Granada centre for visual anthropology ou Documentary educational resources.

Valoriser le cinéma ethnographique de patrimoine

La BnF ne se contente pas de conserver ce patrimoine unique : elle s’attache à le mettre en valeur par le biais de projections, journées d’étude ou expositions (Les Années Ovahimba de Rina Sherman en 2015 ; Jean Rouch, l’Homme-cinéma en 2017). Un nouveau pas est franchi cette année, avec l’accueil sur le site François-Mitterrand, lundi 6 mai, d’une journée du Festival international Jean Rouch dédiée au cinéma ethnographique de patrimoine. Elle débutera par une table ronde autour du fonds de films produits par les enseignants et étudiants en cinéma anthropologique et documentaire de Nanterre, suivie d’une projection de deux courts-métrages de Claudine de France. La suite de l’après-midi sera consacrée au cinéaste et anthropologue belge Luc de Heusch, avec la projection de son film Fête chez les Hamba (1955), restauré par la Cinémathèque royale de Belgique, et de trois courts-métrages montés à partir de rushes inédits par la réalisatrice Grace Winter et l’anthropologue et cinéaste Damien Mottier.

 

Alexia Vanhée

Article paru dans Chroniques n°100, janvier-mars 2024