« L'art n'est que résistance »

Une exposition sur le site François-Mitterrand rend hommage à l’œuvre de l’auteur, réalisateur et metteur en scène Jean-Michel Ribes, qui a récemment fait don de ses archives à la BnF.
 

En 2023, le département des Arts du spectacle a accueilli à quelques mois d’écart les archives du théâtre du Rond-Point pour les années de direction de Jean-Michel Ribes (2002-2022) et les archives personnelles de l’auteur, réalisateur et metteur en scène depuis les débuts de sa carrière dans les années 1960. Au total, plus de cent-vingt mètres linéaires de carnets manuscrits, de photographies et d’affiches, de maquettes de spectacles, de documents audiovisuels, ainsi que plus de quinze téraoctets de documents numériques natifs viennent documenter la carrière artistique d’un homme de théâtre et de cinéma incontournable du paysage culturel français actuel. L’exposition présentée en galerie des Donateurs permet de découvrir ou de redécouvrir toute la richesse du travail d’un créateur inclassable et de s’immerger dans la vie d’une salle de spectacle dédiée aux écritures contemporaines.

 

Jacqueline Maillan et Philippe Khorsand dans La Cuisse du steward, texte et mise en scène de Jean-Michel Ribes, Paris, théâtre de la Renaissance - 11 septembre 1990 - Photo Daniel Cande 2024

De la scène à l’écran

Jeune acteur et metteur en scène, Jean-Michel Ribes fonde en 1966 la Compagnie du Pallium avec ses amis le peintre Gérard Garouste et l’acteur Philippe Khorsand. Ils montent et jouent Topor, Arrabal, Savary. Rapidement, Ribes commence à écrire ses propres textes, marqués par ses affinités littéraires avec des mouvements et des auteurs qui se jouent des conventions idéologiques et esthétiques – le surréalisme, le dadaïsme, Raymond Queneau, Jean Tardieu… Ses premières pièces, Les Fraises musclées (1970), Il faut que le sycomore coule (1971), séries de sketches fantaisistes et burlesques, remportent un grand succès. Les suivantes, Tout contre un petit bois, Par-delà les marronniers, sont empreintes d’une poésie plus sombre et hantées par la peur de la mort. Face à l’angoisse, Jean-Michel Ribes trouve un antidote, le « rire de résistance », qui guide toute son œuvre, au théâtre, au cinéma comme à la télévision. En témoignent les séries télévisées Merci Bernard et Palace, maintes fois rediffusées, et les films Chacun pour toi ou plus récemment Musée haut, musée bas. D’une œuvre à l’autre, on retrouve les amis et complices qui inspirent l’auteur et l’accompagnent au fil des projets : Roland Topor et Gérard Garouste, les comédiens Philippe Khorsand, Roland Blanche, Eva Darlan et Tonie Marshall, les décorateurs Patrick Dutertre ou encore Jean-Marc Stehlé.

Le « bateau pirate » du Rond-Point

En 2001, Jean-Michel Ribes est nommé directeur du théâtre du Rond-Point sur un projet tout entier consacré à la promotion des auteurs vivants. Le lieu devient une agora en perpétuelle effervescence qui accueille près de 800 représentations annuelles. La programmation, éclectique et parfois déroutante, propose aussi des rencontres, des événements culturels, des débats sur le vif en réaction à l’actualité politique ou sociale. Il faut surprendre le public, le faire réagir : « Les gens se dérangent pour venir au théâtre, la moindre des choses c’est qu’on les dérange à notre tour », déclare Jean-Michel Ribes. Et le pari est réussi : en quelques années, la fréquentation du théâtre double et le lieu devient incontournable. Après deux décennies, Jean-Michel Ribes a transmis le relai ; il continue, ailleurs et autrement. En prolongement de l’exposition que lui consacre la BnF, il a conçu ce printemps la programmation du festival La Bibliothèque parlante.

 

En savoir plus sur l’exposition Jean-Michel Ribes, un pas de côté

 

Lise Fauchereau et Hélène Keller

Article paru dans Chroniques n° 100, avril-juillet 2024