Souscription pour l'acquisition d'un bréviaire royal

La BnF lance un appel au don pour acquérir un bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle réalisé vers 1370 pour le roi de France Charles V (1338-1380). Le manuscrit enluminé pourrait ainsi rejoindre les collections nationales, dont l’histoire commence avec Charles V dit « le Sage », célèbre pour son amour des livres et du savoir.

 

Ayant compté près d’un millier de volumes, nombre exceptionnel pour l’époque, la librairie de Charles V passe pour la première ébauche de bibliothèque royale française conçue comme une institution, une collection destinée à être transmise dans sa globalité au successeur au trône. Elle joua un rôle essentiel dans l’élaboration d’une culture aristocratique en langue vernaculaire, puisque le roi commanda, outre des ouvrages en latin, un nombre considérable de traductions françaises « de tous les plus notables livres », comme la Politique et les Éthiques d’Aristote ou la Cité de Dieu d’Augustin. Dans son Livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles V composé en 1404, Christine de Pizan célèbre ainsi l’immense prestige entourant la bibliothèque de ce roi qu’elle compare à Ptolémée Philadelphe :

« Au sujet de la sagesse du roi Charles, nous parlerons du grand amour qu’il avait pour l’étude et la science ; et il le démontra bien par la belle librairie qu’il avait de tous les notables volumes qui aient été compilés par de souverains auteurs. »

Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle, miniature exécutée par le Maître de la Bible de Jean de Sy © Photo Anthony Voisin

 

Les vicissitudes de l’Histoire entraînèrent la dispersion de cette collection qui, depuis 1368, était pour partie rassemblée au palais du Louvre et pour partie gardée avec les joyaux du roi dans ses différentes résidences. Cédée en 1424 à Jean de Lancastre, duc de Bedford et régent du royaume, elle fut irrémédiablement éparpillée après la disparition de celui-ci en 1435. Au fil des siècles, la Bibliothèque royale puis nationale put toutefois retrouver quatre-vingt-quatre des manuscrits du « roi Sage », certains provenant de grands bibliophiles comme Louis de Bruges, Mazarin ou Colbert.

Un bréviaire enluminé à l’usage de la Sainte-Chapelle

Aujourd’hui, la BnF a de nouveau l’occasion d’acquérir un ouvrage issu de cette collection fondatrice. Il s’agit d’un précieux livre liturgique, un bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle exécuté à Paris dans les années 1370. Doté d’un décor extrêmement raffiné, il présente toutes les caractéristiques d’une commande royale, notamment un calendrier mentionnant les services religieux à la mémoire des rois et reines de France, dont celui de Jeanne de Bourbon, l’épouse de Charles V décédée en 1378. Parmi les trente-trois miniatures qui l’illustrent, se trouvent trois représentations d’un roi en qui l’on peut reconnaître Charles V lui-même, priant aux pieds de saint Louis de Toulouse et de saint Augustin ou devant les reliques de la Passion du Christ en la Sainte-Chapelle de Paris. Ces « portraits » sont l’œuvre d’un enlumineur anonyme talentueux, appelé par convention le Maître du Livre du sacre de Charles V. D’autres peintures ont été réalisées par un artiste ou un groupe d’artistes connus sous le nom de Maître de la Bible de Jean de Sy, dont le style dénote une tendance au naturalisme caractérisée par des paysages aux nuances subtiles ponctués de bouquets d’arbres et des figures expressives à l’anatomie et aux drapés finement modelés.

Participer à l’acquisition d’un manuscrit d’exception

Ce bréviaire royal, à ce jour inédit, se trouvait au XVIIIe siècle dans la bibliothèque du château d’Anet, propriété des Bourbon-Vendôme puis d’Anne de Bavière, princesse de Condé. À sa mort, en 1724, l’ensemble de la collection fut dispersé aux enchères et le bréviaire fut acquis par un bibliophile britannique. Transmis à ses descendants, il a été vendu dans les années 2010 à un collectionneur privé étranger, qui propose de le céder à la BnF. Afin de faire revenir en France ce manuscrit d’exception, brillant témoin des fastes du gothique, la Bibliothèque nationale de France lance un appel au don jusqu’au 31 décembre 2023.

Laure Rioust

Article paru dans Chroniques n° 98, septembre-décembre 2023