Édith Canat de Chizy, présent composé
La compositrice Édith Canat de Chizy a récemment fait don à la BnF d’un ensemble d’archives et de manuscrits susceptible d’intéresser aussi bien les admirateurs de son œuvre, marquée par un rapport étroit à l’art et à la spiritualité, que les chercheurs qui abordent le patrimoine musical au prisme du genre.
Édith Canat de Chizy fut, en 2005, la première compositrice élue à l’Institut de France : un jalon important dans l’histoire d’un monde musical souvent défavorable aux créatrices. Les archives et manuscrits qu’elle a donnés au département de la Musique en 2024 témoignent de son parcours singulier et éclairent la genèse d’une œuvre aux facettes multiples. Nourries d’expérimentations électroacoustiques, traversées d’influences érudites, de correspondances poétiques (Emily Dickinson) et d’allusions picturales (Whistler pour En bleu et or, Turner pour Pluie, Vapeur et Vitesse), les pièces d’Édith Canat de Chizy entrent en résonnance avec la diversité des médiums artistiques. Il n’est pas étonnant, pour celle qui fut aussi diplômée en philosophie et histoire de l’art à la Sorbonne, d’inscrire ainsi son œuvre au sein d’une histoire culturelle globale dont les collections de la BnF sont elles-mêmes gardiennes et témoins.
Un parcours prestigieux
Née en 1950, Édith Canat de Chizy obtient six Premiers Prix, dont celui de composition, lors de son cursus au Conservatoire national supérieur de Paris. Elle s’initie également à la musique électroacoustique par le biais du Groupe de recherches musicales (GERM) et à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam). Elle reçoit au fil de sa carrière de nombreuses distinctions : prix de la Tribune internationale des compositeurs de l’Unesco (pour Yell en 1990), nomination aux Victoires de la musique (pour Moïra en 2000), prix Jeunes Talents musique (1998), prix Musique de la SACD en 2021, plusieurs décorations émanant de la Sacem et de l’Académie Charles Cros, y compris en 2024 pour son dernier enregistrement édité, Waves… Celle qui enseigna la composition au Conservatoire à rayonnement régional de Paris jusqu’en 2017 et fut directrice de conservatoires a par ailleurs contribué à diffuser le répertoire contemporain savant auprès de la jeunesse, par exemple en participant à l’opération pédagogique Grand Prix lycéens des compositeurs. Chevalier de la Légion d’honneur, Officier de l’ordre du Mérite et Commandeur des Arts et des Lettres, Édith Canat de Chizy est nommée parmi les « 100 femmes de la Culture » pour l’année 2023. La même année, dans le cadre du processus de don d’archives, six de ses oeuvres ont été interprétées en concert dans la salle Ovale de la BnF, à l’occasion d’une saison musicale européenne spécifiquement consacrée à la mise en lumière de compositrices.
Un fonds destiné à croître
Édith Canat de Chizy fut par ailleurs élève et proche du compositeur Maurice Ohana (1913-1992). Elle a fait don d’une correspondance échangée avec ce dernier, d’éléments de documentation, de dessins et de photographies ayant constitué le matériau d’une biographie rédigée à quatre mains avec François Porcile. Quant au propre répertoire d’Édith Canat de Chizy, il est en permanent accroissement. Le don de 2024 représente un premier ensemble d’archives couvrant les états préparatoires – appelés « notes » –, manuscrits définitifs et épreuves éditoriales des œuvres composées jusqu’en 2006. Des lots successifs viendront, à l’avenir, compléter les collections nationales et fournir un nouveau matériau pour documenter la réception, le succès et la pérennité du corpus de la compositrice.
Lou Delaveau
Article paru dans Chroniques n° 102, janvier-mars 2025