En 2003, la première phrase de son premier roman, La Perfection du tir, l’histoire d’un snipper dans un pays qui pourrait être le Liban, est : « Le plus important, c’est le souffle ». Ses romans n’ont pas cessé depuis de le prouver, prenant le risque d’égarer parfois mais aussi de captiver leurs lecteurs dans les volutes d’une écriture exigeante et pleine de digressions. Pensionnaire de la Villa Médicis en 2005-2006, il publie en 2008 Zone, composé d’une seule phrase de 500 pages découpée en 24 chapitres (comme les 24 chants de l’Iliade) ; ce roman fleuve est récompensé par plusieurs prix, dont le Prix Décembre et le Prix du Livre Inter. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, raconte un épisode probablement fictif de la vie de Michel-Ange, une escapade à Constantinople à l’invitation du sultan Bajazet II, et reçoit le prix Goncourt des lycéens 2010.
D’un roman à l’autre, Mathias Énard, aux antipodes des idées reçues sur une littérature française narcissique et intimiste, poursuit une réflexion singulière sur l’altérité, les rapports entre Orient et Occident, ainsi que sur les différentes formes d’engagement et de révolte. Rue des voleurs, en 2012, évoque ainsi le voyage d’un jeune Marocain errant en Espagne lors des printemps arabes et du mouvement des indignés. Boussole, qui lui vaut le Prix Goncourt en 2015, est une rêverie mélancolique, sensuelle et érudite à la fois, sur un Orient perdu, qui résonne avec l’actualité et que son auteur a d’ailleurs déclaré vouloir dédier aux Syriens.
Remonter l’Orénoque (2005) a été adapté au cinéma en 2012 dans À cœur ouvert de Marion Laine et Rue des Voleurs (2012) mis en scène au théâtre en 2016.