Patrice Chéreau au travail

À l’occasion des commémorations organisées pour le dixième anniversaire de la mort de Patrice Chéreau, la BnF s’associe à l’organisation d’un colloque consacré au metteur en scène. L’occasion de revenir sur la présence, dans les collections de la Bibliothèque, de plusieurs fonds qui éclairent son travail.

 

Patrice Chéreau à Lille - 1978 © Photo Jean-Marc Martin du Theil | BnF, département des Arts du spectacle

 

« J’ai très envie de travailler avec toi, je crois que ce Marivaux dont je t’ai parlé pourrait être une bonne occasion. Si tu pouvais le faire, ça serait formidable » écrit Patrice Chéreau à Roger Blin début août 1969. Chéreau a visiblement envie d’enrôler le comédien dans une nouvelle mise en scène de L’Héritier de village qu’il a monté une première fois au lycée Louis-Le-Grand en 1965. Le projet ne se fait pas, mais la lettre du jeune metteur en scène, conservée au département des Arts du spectacle de la BnF, témoigne de son désir de travailler avec le grand acteur beckettien. Chéreau lui propose d’ailleurs la même année Richard II, mais Blin refuse. Les archives regorgent d’informations, modestes ou essentielles, qui permettent de mieux connaître et comprendre les rapports entre Patrice Chéreau et le milieu théâtral, et d’en écrire l’histoire.

De multiples ressources sur le parcours de Chéreau

Les papiers personnels de Chéreau sont conservés à l’Institut Mémoire de l’édition contemporaine (IMEC), dont les prêts généreux avaient nourri l’exposition Patrice Chéreau. Mettre en scène l’opéra présentée à la bibliothèque-musée de l’Opéra en 2017. Le visiteur pouvait aussi y voir des pièces émanant des collections de la BnF, maquettes de costumes de Jacques Schmidt pour Les Contes d’Hoffmann ou pour Lulu, photographies de spectacle de Daniel Cande, programmes… Les ressources sur le parcours artistique de Patrice Chéreau sont en effet abondantes à la Bibliothèque. L’ensemble le plus riche, le fonds du Théâtre National Populaire (TNP), que Chéreau a codirigé avec Roger Planchon dans les années qui ont suivi son ouverture en 1972, réunit d’épais dossiers et des documents audiovisuels sur La Dispute, Lear ou Loin d’Hagondange. Le chercheur peut aussi explorer le fonds Marcel Maréchal, les archives de Gérard Desarthe qui interpréta Hamlet pour Chéreau, les documents donnés par Léonidas Strapatsakis, qui a été l’un de ses assistants, et naturellement les manuscrits de Bernard-Marie Koltès. Affiches, programmes, articles de presse et photographies en grand nombre, notamment celles de Jean-Marc Martin du Theil pour le TNP, viennent encore compléter ces archives.

Un colloque et une lecture

Au-delà de la dimension documentaire, la BnF ne pouvait que souhaiter s’associer aux commémorations programmées en 2023-2024 par l’association Transmission Patrice Chéreau. Comme metteur en scène et cinéaste, il compte parmi les artistes majeurs des années 1960 aux années 2000 par la puissance et la singularité de son imaginaire et par la rigueur et la précision de ses réalisations. Le colloque organisé en décembre 2024 par la Sorbonne, l’IMEC et la BnF se terminera sur le site Richelieu par une lecture dans le cadre du cycle « À voix haute » : deux comédiens feront entendre les notes croisées de Patrice Chéreau et Hervé Guibert écrites pendant l’élaboration du film L’Homme blessé, sorti en salle en 1983. Ces notes, publiées à la suite du scénario aux Éditions de Minuit, dévoilent la lente maturation du projet et racontent aussi une part des liens entre les deux hommes. « En publiant ces notes, souvent intimes, écrit Hervé Guibert, nous ne voulons pas être les prestidigitateurs qui retournent leurs accessoires, mais plutôt laisser à la surface de la toile les quelques coups de pinceau rugueux qui ont fait le travail. »

Joël Huthwohl

Article paru dans Chroniques n° 101, septembre-décembre 2024