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Pour 100 drachmes, t’as plus rien
La réglementation du prix des denrées et le contrôle des échanges économiques ne datent pas d’hier, comme le montrent les textes législatifs trouvés sur de nombreux sites archéologiques. Quelques objets témoignent aussi de l’organisation des échanges dans ces cités antiques. Le département des Monnaies, médailles et antiques conserve dans ses collections 176 poids grecs, parmi lesquels une lourde plaquette de plomb : un poids de 100 drachmes tout indiqué pour figurer dans ces pages.
L’éléphant dans la pièce
Donné en 1847 au cabinet des Médailles par le collectionneur Prosper Dupré, ce poids avait été acheté vers 1830 en Syrie par le comte Edmond de Cadalvene, alors directeur de la poste française d’Alexandrie. La plaquette quadrangulaire, d’une taille équivalente à celle d’un boîtier de CD, est décorée sur chacune de ses faces d’un pachyderme en marche. Les éléphants sont un thème iconographique fréquent en Syrie depuis l’époque des Séleucides, qui deux siècles auparavant avaient installé leurs éléphants de guerre dans la ville voisine d’Apamée. Les inscriptions en grec qui courent sur ses bordures mentionnent la cité d’Antioche, l’actuelle ville turque d’Antakya (« des Antiochéens, métropole sacrée, asyle et autonome »), une date (« l’an 7 du peuple ») et son poids (une « mine »). La mine correspond à 100 drachmes. Le poids d’une drachme n’était pas le même partout. Chaque région, chaque cité décrétait les poids et mesures en usage sur son territoire. À Antioche, au milieu du Ier siècle av. J.-C., la mine pesait un peu plus d’un kilogramme.
Gare à l’agoranome
Autour de chaque éléphant sont mentionnés les noms de deux individus, Antiochos et Publius, dont la fonction est également précisée : tous deux étaient agoranomes. Ces magistrats civiques veillaient à faire respecter les règles de la cité et à garantir l’honnêteté des transactions commerciales, particulièrement sur l’agora (le marché) et à l’emporion (le port). Ils devaient ainsi vérifier le niveau des prix, la qualité des produits et donc, à l’aide de leur poids, contrôler la validité des poids des marchands. Ces poids publics permettaient de s’assurer que les étalons décrétés par la cité étaient respectés et que les clients n’étaient pas trompés avec des poids trop légers. Justement, les nombreux ornements sur les faces et les bordures des poids publics visaient à garantir leur intégrité en évitant toute manipulation de leur masse par rognage.
Ces objets avaient par nature une durée de vie limitée, correspondant au mandat annuel des agoranomes. Faits de plomb, sans doute la plupart étaient-ils fondus pour fabriquer les poids des nouveaux magistrats.
Julien Olivier
Article paru dans Chroniques n°100, janvier-mars 2024