Pour rappel, tous les sites de la BnF sont fermés les mercredis 25 décembre et 1er janvier.
Puisque c’est ainsi, nous reviendrons mardi !
Depuis 25 ans, les lectures publiques jubilatoires de l’Ouvroir de littérature potentielle (Oulipo) font salle comble. Hébergées depuis 2005 à la BnF, elles changent cette année de jour et passent du jeudi
au mardi, mais gardent tout de leur énergie et de leur inventivité.
C’est l’oulipien Hervé Le Tellier qui lance en 1996 l’idée de lectures mensuelles, d’abord à la Halle Saint-Pierre, puis à Jussieu, les derniers jeudis des mois universitaires. Depuis 2005, ces rencontres ont lieu à la BnF et peuvent être désormais revues en ligne ou réécoutées en podcast. Chaque saison, un thème (le corps humain, le système solaire ou les âges de la vie) est décliné de façon ludique d’octobre à juin : les oulipiens ont toute latitude de s’en emparer d’une façon déconcertante, voire d’être hors-sujet, pour écrire un nouveau texte ou réécrire un texte ancien, faire entendre un travail en cours ou revivre les textes fondateurs.
Les principaux participants actuels mêlent piliers du groupe (Marcel Bénabou, Paul Fournel, Jacques Jouet, Hervé Le Tellier) et membres plus récents (le poète Frédéric Forte, l’illustrateur et auteur de bandes dessinées Étienne Lécroart) ou aux accents charmants (l’anglais Ian Monk, le catalan Pablo Martín Sánchez, l’argentin Eduardo Berti, l’américain Daniel Levin Becker). Encore trop peu de femmes : Michèle Audin importe mathématiques et histoire de la Commune, Valérie Beaudouin des poèmes vidéos et Clémentine Mélois de savoureux détournements d’images. Les « carambolages » entre tableaux célèbres du peintre oupeinpien Philippe Mouchès sont commentés par Olivier Salon. La galaxie toujours plus vaste de l’Ouxpo s’invite parfois pour des concerts avec l’Oumupo, des représentations théâtrales de l’Outrapo ou des défis dessinés en compagnie de l’équipe de la revue Mon Lapin quotidien.
Le public, constitué à la fois de fidèles et de nouveaux venus, étudiants ou curieux, est très réactif ; rires et applaudissements fusent. Il règne dans ces rencontres une grande complicité littéraire et culturelle, autour des mots, des formes et des textes. Avec une prime pour les plus fidèles qui reconnaissent les éléments récurrents – citations, contraintes ou chemises colorées d’Olivier Salon ! – et se réjouissent d’un nouveau « C’est un métier d’homme » ou de participer aux « chicagos », des devinettes homophoniques. Les lectures ne sont pas toujours drôles ni légères, des sujets sombres et intimes y résonnent aussi. Mais c’est toujours pour rappeler que l’on peut rire des choses les plus graves, et, surtout, les dépasser par la jubilation créative de l’écriture.
Christine Genin
En 2005, le fonds de l’Oulipo, jusqu’alors hébergé chez Marcel Bénabou, est mis en dépôt à la bibliothèque de l’Arsenal. Il est constitué d’une collection importante de livres, de périodiques et de boîtes d’archives manuscrites et dactylographiées, amassées par les secrétaires successifs depuis le début de la vie du groupe. Les documents manuscrits de 346 dossiers mensuels des réunions oulipiennes, de 1960 à 2010, ont été numérisés et sont en partie consultables dans Gallica (lire le billet du blog Gallica sur ce sujet).
Ce fonds a rejoint ceux d’oulipiens qui étaient déjà présents à la BnF, comme Georges Perec, Jacques Jouet, Noël Arnaud ou encore Jacques Bens. Les liens entre l’Arsenal et l’Oulipo ont, depuis, continué à se renforcer avec l’arrivée en 2009 du fonds de François Caradec et en 2014 de celui de Paul Fournel, qui en fut le président de 2003 à 2019.
Article paru dans Chroniques n° 92, septembre-décembre 2021