Zola au jour le jour

Émile Zola (1840-1902), auteur du cycle des Rougon-Macquart, fut également un grand épistolier. Sa correspondance la plus importante, adressée à son épouse Alexandrine (1839-1925), vient d’entrer dans les collections de la BnF.


Pas moins de six volumes contenant 312 lettres, quatre cartes et trente-quatre télégrammes ont rejoint le fonds Émile Zola conservé au département des Manuscrits. Datées de 1876 à 1901, ces missives permettent de retracer le quotidien de l’écrivain quasiment au jour le jour, durant les périodes où il se retrouve temporairement séparé de son épouse.

Le quotidien d’un écrivain

Parmi ces lettres, nombreuses sont celles qui abordent l’écriture de ses romans, dont Alexandrine est la première lectrice. D’autres décrivent ses voyages, ses journées à Paris et dans sa maison de Médan, les discussions avec ses amis, les spectacles auxquels il assiste et les dîners où il est convié, dont les menus sont décrits avec un grand luxe de détails : « J’avais mis des huîtres, une petite truite saumonée, un gigot d’agneau aux cèpes et le chaud-froid de mes fameuses grives qui ont été trouvées délicieuses » (lettre du 19 octobre 1899). Zola mentionne également son passe-temps favori, la photographie, ou évoque avec tendresse ses chiens adorés Fanfan et Pinpin. Des expressions affectueuses témoignent des liens très forts unissant le couple, malgré la déchirure causée par la relation entre l’écrivain et son ancienne lingère Jeanne Rozerot, avec qui il a eu deux enfants.

Un auteur engagé

Capital pour la connaissance de Zola, de sa pensée, de ses combats, le contenu de ces lettres livre pas à pas sa vision personnelle de l’affaire Dreyfus, montrant sa prudence initiale puis son engagement total à partir de l’automne 1897 : « Remonté vers neuf heures dans mon cabinet, j’ai dû allumer l’électricité pour travailler. Et tu ne sais pas ce que j’ai fait ? Un article, écrit en coup de foudre […]. J’étais hanté, je n’en dormais plus […]. Je trouvais lâche de me taire. Tant pis pour les conséquences » (lettre du 24 novembre 1897). Les lettres de juillet 1898 à juin 1899 relatent enfin le quotidien de Zola dans son exil à Londres, où il a fui pour échapper à la justice française après la publication de « J’accuse… ! ».

Émile Zola, photographie de l’Atelier Nadar, 1890-1898 - BnF, Estampes et photographie

Un fonds littéraire régulièrement enrichi

Longtemps conservée par les descendants de l’écrivain, cette correspondance de plus de 1 100 pages vient s’ajouter aux ensembles de lettres de Zola déjà conservés au département des Manuscrits, notamment celles à Mme Alphonse Daudet, à la famille Laborde, à Alfred Bruneau et ses proches. Les quinze volumes de lettres reçues par Émile Zola, adressées entre autres par son éditeur Eugène Fasquelle, le peintre Paul Cézanne, l’écrivain Joris-Karl Huysmans ou encore le librettiste William Busnach, chargé de l’adaptation sur scène de certaines de ses œuvres, ont également été données à la BnF. Ces correspondances complètent le fonds Zola, riche de quatre-vingt-onze volumes de ses œuvres romanesques, offert en 1904 par son épouse Alexandrine et aujourd’hui librement accessible sur Gallica. Ce fonds littéraire majeur a été régulièrement enrichi par des acquisitions importantes, dont le manuscrit de « J’accuse… ! » en 1991, et en 2021 l’achat du dernier grand manuscrit littéraire de Zola encore en mains privées, celui de l’adaptation théâtrale de Germinal.

Charles-Éloi Vial

Article paru dans Chroniques n° 97, avril -juillet 2023