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Acquisitions exceptionnelles : les manuscrits d'André Breton et du Marquis de Sade
Le manuscrit des 120 journées de Sodome du Marquis de Sade et un ensemble de manuscrits autographes d’André Breton, parmi lesquels les deux Manifestes du surréalisme, font leur entrée dans les collections nationales confiées à la Bibliothèque nationale de France.
Le Cercle de la BnF, qui réunit depuis 2000 des bibliophiles mécènes de l’institution, s’est tout particulièrement investi. C’est ainsi qu’Emmanuel Boussard a répondu positivement à l’appel de Jean-Claude Meyer, son Président, pour soutenir dans son intégralité l’acquisition du rouleau de Sade. Il voulait ainsi témoigner de son attachement particulier à la bibliothèque de l’Arsenal, où son grand-père a exercé la fonction de conservateur entre 1943 et 1964.
L’acquisition des manuscrits de Breton a été réalisée avec le mécénat de Jean-Claude Meyer, d’Alain Minc, de la Fondation Khôra – Institut de France et de Carlo Perrone. Ce dernier se réjouit par ailleurs de voir le manuscrit de Sade, qui a appartenu à ses grands-parents Charles et Marie-Laure de Noailles, rejoindre les collections publiques. La vente de cet ensemble a été réalisée par l’intermédiaire de l’administrateur judiciaire en charge du fonds Aristophil, avec la collaboration de la société de ventes aux enchères Aguttes.
Cet enrichissement exceptionnel des collections nationales est l’un des plus importants de ces dernières années pour la BnF. Le Ministère de la Culture et la Bibliothèque nationale de France remercient les mécènes qui ont contribué à la réalisation de ces acquisitions.
manuscrits autographes d’André Breton
André Breton (1896 -1966) a été l’une des figures majeures, le principal théoricien et l’animateur du mouvement surréaliste. L’ensemble qui fait aujourd’hui son entrée dans les collections de la BnF est constitué des cahiers d’écriture automatique de Poisson soluble et des manuscrits du Manifeste du surréalisme et du Second manifeste du surréalisme. Ils correspondent à l’essentiel de l’œuvre théorique de Breton.
Textes à l’influence mondiale, ils incarnent plus que tout autre l’espoir immense d’une génération traumatisée par la guerre et qui va chercher le salut de l’homme dans une poésie débarrassée de ses entraves.
Rédigé et publié en 1924, le Manifeste du surréalisme vient théoriser les explorations et tâtonnements littéraires du groupe constitué autour d’André Breton et qui compte parmi ses figures majeures Louis Aragon, Paul Éluard, Philippe Soupault, Robert Desnos, Benjamin Péret, René Crevel et bien d’autres encore. Son enthousiasme solaire en fait un des textes les plus brillants et attachants de Breton.
Datant de 1930, le Second manifeste du surréalisme traduit au contraire les tensions et ruptures qui ne cessent de fragmenter le groupe surréaliste. Violemment attaqué par ceux qui en ont été exclus, Breton mobilise des trésors de rhétorique pour réaffirmer son idéal intransigeant. La joie sauvage des débuts du surréalisme est désormais teintée d’une certaine noirceur.
Cet ensemble de manuscrits, très travaillés, montrent à la fois la rapidité de l’écriture de Breton comme la difficulté de leur élaboration. Sans doute avait-il conscience dès leur origine de l’importance fondamentale de ces textes. Leur acquisition permet de jeter un jour nouveau sur ces jalons de l’histoire littéraire mondiale dont l’écho ne cesse de nous parvenir.
Cet ensemble rejoint le département des Manuscrits de la BnF sur le site Richelieu, qui conserve le plus important fonds de manuscrits surréalistes. Il est exceptionnellement présenté au public dans le cadre de l’exposition L’Invention du surréalisme (jusqu’au 14 août 2021), aux côtés d’autres pièces emblématiques comme le manuscrit de Nadja d’André Breton ou celui des Champs magnétiques de Breton et Soupault.
Manuscrit du Marquis de Sade
Le manuscrit Les 120 journées de Somode ou l’école du Libertinage se présente sous la forme d’une bande de 33 feuillets collés bout à bout, formant un rouleau de 12,10 mètres sur une largeur de 11,3 cm.
C’est à la Bastille, où il est transféré le 29 février 1784, que Sade va mettre au net, sur cet étonnant rouleau de papier, les brouillons des 120 journées de Sodome. Le roman se situe à la fin du règne de Louis XIV, peu avant la Régence. Quatre aristocrates s’enferment, en plein hiver, dans un château perdu de la Forêt Noire avec quarante-deux victimes soumises à leur pouvoir absolu.
Ce manuscrit autographe est un monument littéraire. Premier ouvrage important de Sade, son œuvre la plus « forte », les 120 journées, par leur publication tardive, sont devenues un texte capital de la critique et de l’imaginaire. C’est désormais un classique, à la fortune posthume immense. Au plan culturel, Eluard, Breton, Bataille, Blanchot, Pasolini, Annie Le Brun, Philippe Sollers sont quelques-uns des créateurs profondément marqués par ce « soleil noir », selon la formule consacrée de l’historien Michel Delon.
L’histoire fascinante de ce manuscrit, caché, volé, perdu, édité partiellement, censuré, exporté illégalement, devenu objet de spéculation, renforce encore son attrait. Est-il plus belle preuve d’ailleurs de sa puissance corrosive et transgressive ? Quel long chemin depuis les rivages de la médecine des perversions vers 1900, puis le détour par le ghetto de la littérature érotique des années 1950, jusqu’aux honneurs de la Pléiade et des éditions Gallimard aujourd’hui. Ce manuscrit emblème de liberté littéraire et artistique, à la trajectoire troublée, rejoint les collections publiques et le dossier du prisonnier Sade conservé dans les archives de la Bastille à la bibliothèque de l’Arsenal créée par le marquis de Paulmy en 1750, et qui conserve aujourd’hui, parmi les départements de collection de la BnF, un ensemble unique au monde sur la vie, l’histoire, les lettres et la création au XVIIIe siècle en France.
L’entrée de ce manuscrit dans les collections nationales va permettre aux chercheurs de poursuivre les études qui lui ont été consacrées.