À noter : fermeture anticipée à 15 h de tous les sites de la BnF les mardis 24 et 31 décembre.
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Nous célébrons cette année le centenaire de la naissance de Christian Dotremont, artiste et écrivain né à Tervuren, en Belgique, le 6 décembre 1922 et mort le 20 août 1979 au sanatorium Rose de la Reine de Buizingen. Parallèlement au recueil et à la réédition de certains de ses livres, une grande exposition rétrospective de ses œuvres a eu lieu aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.
La Bibliothèque nationale de France se joint à cet hommage par une présentation de ses ouvrages dans les salles F et H de la Bibliothèque tous publics, de décembre 2022 à février 2023, accompagnée d’une bibliographie de ses œuvres conservées au Département Littérature et art, au Département des Estampes et à la Réserve des livres rares.
Fondateur de CoBrA
Christian Dotremont fut un praticien de l’art révolutionnaire, soucieux de traduire en acte la maxime de Lautréamont d’après laquelle « la poésie doit être faite par tous ». Très tôt reconnu par les surréalistes, à Bruxelles puis Paris, grâce à son poème Ancienne éternité (1940 ; récemment réédité et disponible en libre-accès), il ne tarde pas à se réclamer d’un « surréalisme révolutionnaire », de plus stricte obédience, multiplie les interventions (plaquettes, tracts, affiches) et cofonde la revue Les Deux Sœurs (1947). Reparti en Belgique, puis au Danemark, il devient le fondateur de CoBrA (acronyme de Copenhague - Bruxelles - Amsterdam), l’une des plus marquantes avant-gardes européennes du XXe siècle (1948-1951). Ce mouvement d’art expérimental, qui se veut « sauvage dans la civilisation », a pour principe une collaboration étroite et spontanée entre écrivains et peintres.
Dotremont a énormément écrit sur et avec les peintres (Corneille, Asger Jorn, Serge Vandercam, Pierre Alechinsky, Karel Appel, pour les plus connus). C’est à leur contact, au creuset de la peinture qu’il invente, à Tervuren, son village natal, le geste qui inscrira son originalité dans l’histoire de l’art et de la littérature : le « logogramme » (1962). Simultanément peintre, dessinateur et poète, il travaille à la synthèse de ses moyens d’expression dans ce qu’il appelle « l’unité d’inspiration verbale-graphique » ; geste d’écriture spontané, sorte de logos primitif, le « logogramme » concentre la quête de fraîcheur et de liberté de Christian Dotremont, peignant et exposant son écriture, la recueillant parfois, plus rarement, en livre (Logbook, 1972).
Seconde naissance lapone
Grand voyageur, fidèle à son tropisme pour le Nord, il se rend à douze reprises en Laponie entre 1956 et 1978, dans le village de sa « seconde naissance », Ivalo (Vues, Laponie, 1957 ; Commencements lapons, 1981). C’est là qu’il se met à écrire-peindre sur la neige (des « logoneiges » et des « logoglaces ») et qu’il rejoint la préhistoire éphémère (ou l’éternelle avant-garde) de l’art qu’il a toujours cherchée :
« peindre la poésie
sans modèle ni mode
mais moderne du fond des âges
jusqu’au bout des ongles »
(10 rue de la paille, 1968).
Atteint de tuberculose dès 1951, il passe de nombreux mois dans des sanatoriums, au Danemark et en Belgique. Son séjour au sanatorium de Silkeborg et sa passion pour Bente Wittenburg, qui inspirera presque tous ses poèmes, sont les thèmes de son seul roman publié, La Pierre et l’oreiller (1955). Dotremont était un militant de l’art expérimental doublé d’un grand lyrique.
« Et regardez (…) l’écriture, la phrase d’encre qui s’en va dare-dare dans la nuit blanche et puis qui sombre, qui bute sur une pelure d’adjectif dont elle fait l’arbre, oignon, banane, mystère et diamant de village, et bien plus compliquément, puisque la voilà qui ouvre le fossé, s’y fraye une avenue, déploie une fête sur les allées du nœud, puis brusquement refait surface de route et la tord, la fossilise, la ploie en plomberie, tant et si bien qu’il ne sait plus, à la fin, le créateur (ni même après coup le spectateur, le lecteur, reparticipant peut-être), pareil à l’amoureux, pareil au désespéré, s’il cherche ou trouve, titube ou fend l’air, marche ou crève. »