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Pour rappel, tous les sites de la BnF sont fermés le mercredi 1er janvier.
Connaissez-vous Apollinaire ?
On connaît bien Guillaume Apollinaire comme poète, dramaturge, prosateur (pornographique à l’occasion) ou préfacier de textes littéraires. Mais en parcourant les ressources de la BnF, on découvre d’autres facettes de l’écrivain, peut-être un peu moins connues.
Pour l’anecdote, sait-on qu’il a obtenu un diplôme de sténographe au début de sa carrière ? Si ça ne lui procura pas une situation, le fait avoir pratiqué cette écriture dessinée a peut-être participé de son intérêt pour les calligrammes et plus généralement pour le rapport texte-dessin…
Chroniqueur et feuilletoniste
En l’incluant dans le cycle de conférences « Les écrivains et la presse », la BnF a permis de (re)découvrir l’intense activité de chroniqueur qu’il a poursuivi toute sa vie.
Il a même tenu pendant un an une chronique de littérature féminine sous le pseudonyme de Louise Lalanne dans la revue Marges, cédant là à son penchant pour la mystification.
Dans la presse, Apollinaire fut aussi un temps feuilletoniste. Il prête sa plume comme nègre, en collaboration avec le journaliste Eugène Gaillet, à Desnar (pseudonyme de l’avocat Esnard) pour Que Faire ?paru dans Le Matin pendant plusieurs semaines. En 1950 fut publié ce qu’on attribuait alors à la main d’Apollinaire. Mais il est admis aujourd’hui qu’il n’est pas si aisé de déceler qui, des trois auteurs, a écrit quoi. D’où une nouvelle édition en ligne, plus complète.
Apollinaire qualifie ce texte de « Basse littérature » (Lettre à James Onimus, août 1902), mais il s’est pris au jeu. Il a toujours apprécié la littérature populaire. D’après N. Onimus-Blumenkranz, qui introduit l’édition de 1950, on décèle déjà dans ce texte des traits caractéristiques de sa création à venir : le fantastique, le mélange d’humour et d’émotion, de grotesque et de grandiose, le vers libre.
Amateur de Cinéma
Apollinaire s’intéressa également de près au cinéma, art naissant, qui apportait un nouveau souffle esthétique, et répondait au désir apollinarien d’un « esprit nouveau » privilégiant le mouvement, la modernité et la disparition des frontières entre les arts. Il fut en effet visionnaire en prédisant un grand avenir au cinéma. Il a rédigé deux scénarios de films, C’est un oiseau qui vient de France et La Bréhatine, drame breton écrit avec André Billy.
Dans son article « La Bréhatine : un scénario trop tournable d’Apollinaire ? » (dans Poésie et médias : XXe-XXIe siècle), Nadja Cohen explique combien l’art cinématographique répond aux préoccupations modernes du poète et comment son écriture scénaristique révèle sa « sagesse médiologique », c’est-à-dire qu’il ne l’a pas écrit en poète, mais a respecté les codes et contraintes propres à la technique du cinéma muet. Il traduit la simultanéité et la rapidité, que découvre l’homme du début du siècle grâce aux nouveaux moyens techniques, par l’effet visuel de la surimpression. Il invente une poésie visuelle propre au cinéma.
Porté par son enthousiasme, il a même consacré un poème à cet art : « Avant le cinéma » , et ouvert une rubrique cinématographique dans Les Soirées de Paris, la revue littéraire qu’il a fondée avec André Billy.
Catalogueur de l’Enfer
En bon connaisseur de la littérature érotique, mais aussi de la bibliothèque nationale qu’il fréquentait régulièrement, Apollinaire a aussi fait œuvre de bibliothécaire. En 1913 il rédige, en collaboration avec Fernand Fleuret et Louis Perceau, le premier catalogue imprimé de l’Enfer de la bibliothèque nationale , cet ensemble d’ouvrages jugés contraires aux bonnes mœurs. En voici le titre complet :
Dans la préface, les auteurs prennent soin de rappeler que ce fonds a été constitué à l’initiative du Premier consul. Comme l’indique Raymond-Josué Seckel dans le catalogue de l’exposition de 2008, L’Enfer de la Bibliothèque : Éros au secret, on sait très peu de choses des circonstances de rédaction de cet ouvrage, les auteurs étant restés très discrets sur leur travail. Sans doute cette discrétion était-elle nécessaire pour mener à bien cette entreprise. Plus étonnant, il semble que ce catalogue ait « totalement échappé au contrôle de la Bibliothèque (p. 327), et qu’il ait été « publié sans l’imprimatur de l’établissement » (p. 334) au Mercure de France. En somme : un travail « utile » et sérieux, à partir d’un matériau considéré comme futile ; un travail de bibliothécaire, sans l’aval de la Bibliothèque… Cela correspond bien à la personnalité d’Apollinaire : innover avec de l’ancien, en jouant avec les règles.