Dans les secrets de "Fortune de France" de Robert Merle

Vous avez été happés par les premiers épisodes de Fortune de France de Robert Merle ? Nous présentons les manuscrits de cette fresque historique, conservés à la Bibliothèque nationale de France.
Dès la parution de son premier roman en 1949, Week-end à Zuydcoote, Robert Merle (1908-2004) connaît le succès public et critique en recevant le Prix Goncourt. Sa carrière d’écrivain est lancée. Il la poursuivra jusqu’en 2003, publiant une vingtaine de romans, cinq essais, une biographie, quatre recueils de pièces de théâtre et six traductions.
Manuscrit de «Fortune de France» de Robert Merle - Claire Abrieux / BnF

 

 

Un best-seller

Comprenant treize titres rédigés entre 1976 et 2002, cette grande fresque raconte l’histoire d’une famille originaire du Périgord, les Siorac, entre 1547 et 1661. Lecteur passionné des Rois maudits, Robert Merle avait regretté que Maurice Druon n’en donne pas de suite et le lui avait écrit en 1965 : dix ans plus tard, c’est lui qui s’en chargera.

Cette fresque entremêle étroitement les faits historiques et le récit autobiographique. Parcourant plus d’un siècle de l’histoire de France, depuis les Guerres de religion jusqu’au début du règne de Louis XIV, elle est une reconstitution fidèle des évènements de cette période, racontée dans une langue émaillée de termes issus de l’ancien français. Sous couvert de ce cadre historique, Robert Merle se raconte et raconte l’histoire de « la famille qu’[il s’est] rêvé » (préface à Fortune de France) : les personnages créés ont des noms et des traits de caractère empruntés aux proches de l’auteur, voire à lui-même ; le château de Mespech rappelle étrangement le manoir du Bousquet que Robert Merle possédait près de Sarlat entre 1962 et 1977… En commençant la rédaction de cette œuvre à presque 70 ans, peu avant sa retraite de l’enseignement, l’écrivain tente de conjurer le temps qui passe et de fixer ses souvenirs de façon romancée. Fortune de France est un succès immédiat, se vendant à six millions d’exemplaires et assurant une grande notoriété à Robert Merle en France comme en Europe.

Manuscrit de «Fortune de France» de Robert Merle - Claire Abrieux / BnF

 


En 2006, soit deux ans après le décès de Robert Merle, ses enfants donnent à la Bibliothèque nationale de France les manuscrits des treize romans que constitue Fortune de France. S’étendant sur des milliers de pages, ces manuscrits, complétés, pour certains titres, de la dactylographie corrigée et de la documentation compulsée par l’auteur, sont conservés aujourd’hui sous la référence Nouvelle acquisition française 28126 au département des Manuscrits. Un second don, effectué en janvier 2023, permettra prochainement aux chercheurs d’accéder aux manuscrits des autres livres de l’écrivain, ainsi qu’à sa correspondance et aux documents relatifs à la réception de son œuvre - et en particulier de Fortune de France - sous forme de cahiers de coupures de presse et de courriers de lecteurs.

 

Le professeur-écrivain

Image Manuscrit «Fortune de France» de Robert Merle - Claire Abrieux / BnF

Si Robert Merle raconte l’histoire de sa famille rêvée, c’est aussi dû à son histoire personnelle. Après une enfance et une adolescence marquée par des ruptures – départ de l’Algérie en 1918 - et des deuils – décès de son père en 1915 aux Dardanelles, de sa sœur en 1924 et de son frère en 1933 –, Robert Merle réussit de brillantes études : classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand, licence de philosophie, agrégation d’anglais à laquelle il est reçu premier. Tout en travaillant à sa thèse de doctorat consacrée à Oscar Wilde, il enseigne aux lycées de Bordeaux, Marseille, Neuilly-sur-Seine. La Seconde Guerre mondiale interrompt ce parcours prometteur. Mobilisé en 1939, Robert Merle devient agent de liaison avec les forces britanniques. Lors de la débâcle, il tente d’échapper aux troupes allemandes qui envahissent le nord de la France, mais, début juin 1940, il est finalement arrêté à Zuydcoote et retenu prisonnier au Stalag 22 418 VI D à Dortmund jusqu’en 1943. À son retour, il reprend son activité d’enseignant : en 1944, il est maître de conférences d’anglais à l’université de Rennes, en 1949, professeur des universités, après avoir soutenu sa thèse en 1948. Il enseigne l’anglais jusqu’en 1977, à Toulouse, Caen, Alger (après l’indépendance de l’Algérie), Rouen et enfin Nanterre où il se trouve en mai 1968. 

 


En parallèle de son activité professorale, de sa vie familiale et de divers engagements politiques, Robert Merle écrit. De 1950 au milieu des années 1970, il s’essaie à tous les genres, rencontrant des succès variables : le théâtre avec Flaminéo  (1950) et Nouveau Sisyphe (1957), le roman historique avec La Mort est mon métier (1955), la biographie avec Vittoria, princesse Orsini (1959), l’essai politique avec Moncada, naissance d’un chef (1965) et Ahmed Ben Bella (1965), la science-fiction avec Malevil (1972) et Les Hommes protégés (1974). Sa production s’intensifie petit à petit au fil des décennies et, à partir de 1972, Robert Merle publie un livre tous les deux ans, et ce jusqu’à sa mort. Reconnu dès Week-end à Zuydcoote, il devient, avec la fresque Fortune de France, un écrivain populaire. 

Pour retrouver le manuscrit à la BnF, voici le lien vers la notice du catalogue.