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Deux colosses de porcelaine dans le musée de la BnF
Une production d’exportation
Sorties des fours de Jingdezhen et datées de l’époque Qianlong (1735-1796), ces pagodes sont emblématiques de l’attrait des élites européennes pour les « chinoiseries » pendant toute la période du XVIIe au XIXe siècle. Les pagodes en réduction produites en Chine à cette époque sont avant tout destinées aux demeures et temples chinois comme objets de dévotion ou reliquaires. Une production, destinée à l’exportation, de modèles souvent exécutés dans des matériaux précieux (argent, nacre, jade, ivoire, laque, bois…) est également développée pour les intérieurs de l’élite européenne.
Rares cependant sont les exemplaires en porcelaine et plus rares encore ceux dont la hauteur excède 2 mètres : quatorze seulement, dont cinq paires (parmi lesquelles celles de la BnF), ont été recensés dans le monde.
Une histoire mouvementée
Prélevées en 1795 dans les collections de Guillaume V d’Orange-Nassau, stathouder (gouverneur) des Provinces-Unies, par la jeune République française alors victorieuse, les pagodes entrent directement dans les collections du Muséum des antiques de la Bibliothèque nationale. Les deux siècles qui ont suivi ont toutefois été mouvementés pour ces chefs-d’œuvre de céramique.
En 1815, la France vaincue est sommée, en vertu du congrès de Vienne, de restituer les œuvres saisies, mais les pagodes échappent à cette demande au motif que « ces objets étant arrivés sans catalogue ni description », ils n’ont pu être remis à l’émissaire hollandais. On perd ensuite un temps leur trace, les pagodes sortant même temporairement des locaux de la Bibliothèque puisqu’en 1824, un certain Zimmer, colonel à la retraite, propose au roi Louis XVIII de les lui restituer. Incertains de la résolution de l’affaire, on retrouve néanmoins nos pagodes lors d’une exposition dans la salle des Globes en 1838 dont elles constituent l’une des clous de la visite.
Leur présence dans les nouveaux locaux du cabinet des Médailles en 1917 ne convaincra pas, jugée peu cohérente avec les collections exposées. Elles sont donc déposées au musée national de Céramique de Sèvres pour y rejoindre une troisième pagode monumentale. Ce musée subit de nombreux dégâts lors de bombardements en 1942 mais les deux pagodes semblent en réchapper.
Reconstituer le puzzle
Déplacées à de nombreuses reprises depuis 1795, ce n’est cependant pas sans dommages qu’elles ont traversé le temps. Véritable puzzle en porcelaine, ce sont plusieurs centaines de fragments qu’il a fallu réassembler ! Certains éléments ont même disparu, tel l’escalier que l’une d’entre elles au moins conservait, d’autres comme des pendeloques manquants ont pu être recréés par impression 3D.
Ce travail de longue haleine a pu être accompli avec la coopération du musée de Sèvres et grâce à l’expertise de restaurateurs indépendants, dont Sandrine Gaymay et Jean-Charles Favier, qui ont assuré leur installation sous l’œil attentif de Louise Détrez, chargée de collection au département des Monnaies, médailles et antiques (MMA).
Nouvelle exposition au public dans le musée de la BnF
La date de leur installation est tout sauf un hasard de calendrier puisqu’au même moment, la BnF accueillait les œuvres de Barthélémy Toguo dont les deux vases Vaincre le virus V et VI, exposés en miroir des deux pagodes dans le salon Louis XV, ont été réalisés dans la même ville de Jingdezhen.
Les pagodes restaurées ont été présentées pour la première fois au public lors des Journées européennes du patrimoine, les 21 et 22 septembre 2024. Elles sont visibles de façon permanente dans le salon Louis XV du musée de la BnF.