Fonds Enfantin ou fonds saint-simonien
Le saint-simonisme est né de la pensée de Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), descendant du célèbre duc mémorialiste du règne de Louis XIV. Saint-Simon avait élaboré sa vie durant une philosophie nouvelle, fondée sur l’idée que le destin des hommes, toutes origines sociales confondues, est de travailler pour produire, et ce sous la houlette des plus savants d’entre eux. Ces idéaux hostiles aux privilèges de sa propre classe lui valurent de finir sa vie en 1825 dans le plus grand dénuement, mais entouré d’un petit nombre de disciples fervents dont Enfantin, Rodrigues, Bazard. Ces derniers fondèrent une école de pensée qui fit rapidement des émules.
Dans les années 1827-1828, les saint-simoniens s’organisèrent en «Famille» strictement hiérarchisée et firent de leur école une religion professée par des « apôtres ». Les saint-simoniens exposaient leur doctrine lors de séances publiques enflammées et par le biais d’organes de presse propres (Le Producteur, L’Organisateur, Le Globe).
Le projet saint-simonien, foisonnant, repose sur quelques lignes de force:
- tous les privilèges de la naissance doivent être abolis;
- la généralisation de l’éducation doit permettre l’épanouissement des capacités individuelles et l’amélioration du sort de «la classe la plus nombreuse et la plus pauvre» (à ce titre, leur principal mot d’ordre était : « À chacun selon ses capacités, à chaque capacité selon ses œuvres ») ;
- la réorganisation du système bancaire et du crédit doit permettre de débloquer les fonds nécessaires au développement industriel, en particulier à la construction de nouvelles voies de communication.
Bazard et Enfantin, intronisés «Pères suprêmes» de la religion saint-simonienne en 1829, se déchirèrent deux ans plus tard à propos de la question de la place des femmes dans la société, et se séparèrent. Après ce schisme, Enfantin demeura l’unique « Père » du saint-simonisme. Il fut l’instigateur de l’épisode le plus connu du mouvement : son retrait avec quarante « fils » dans sa maison de Ménilmontant, assorti d’une prise d’habit, du respect du célibat et d’une rigoureuse discipline domestique (1832).
Accusé de délit de réunion et d’outrages aux bonnes mœurs, Enfantin fut emprisonné et la Famille dispersée.
Après la période militante, sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, les saint-simoniens s’illustrèrent dans le journalisme (Guéroult, Charton, Jourdan etc.), la banque (les Pereire), la politique (Carnot, Chevalier etc.), les chemins de fer (Fournel, les Pereire, les Talabot, Enfantin etc.), le projet de percement de l’isthme de Suez (Fournel, Arlès-Dufour, Enfantin), contribuant à faire entrer la France dans l’ère industrielle.
À sa mort en 1864, Enfantin légua à la Bibliothèque de l’Arsenal les archives du mouvement ainsi que ses papiers personnels, relatifs à ses activités en Orient ou en France, où il fut administrateur du P.L.M (ou « Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée », connue aussi sous le nom de « Paris-Lyon-Marseille »).
La collection s’est depuis régulièrement enrichie de manuscrits, d’imprimés, d’objets et de tableaux.
- Sur le fonds Enfantin :
- « La Bibliothèque de l’Arsenal ». Arts et métiers du livre. 1997, n° 206, p. 52-53.
- Régnier, Philippe, « Histoire et nouveautés des fonds saint-simoniens de la Bibliothèque de l’Arsenal ». Bulletin du bibliophile, 2000, n°2, p. 330-352.
- Sur le mouvement : Le siècle des saint-simoniens, du Nouveau Christianisme au canal de Suez, catalogue de l’exposition de la Bibliothèque de l’Arsenal du 28 novembre 2006 au 25 février 2007, sous la dir. de N. Coilly et P. Régnier. Paris : BnF, 2006.
La Bibliothèque de l’Arsenal accueille la Société des Études Saint-simoniennes.