Germaine Tillion, éternelle engagée

Les archives de l’ethnologue et résistante Germaine Tillion sont entrées dans les collections de la BnF après sa disparition en 2008, grâce au don de l’association qui porte son nom et dont elle fut présidente d’honneur. Pour les 20 ans de l’association, une journée d’étude est consacrée à cette grande figure humaniste du XXe siècle, le 21 novembre 2024 sur le site François-Mitterrand.
 

Ethnologue spécialisée dans l’étude de l’Algérie – elle entreprit sa première mission dans l’Aurès en 1934, en compagnie de Thérèse Rivière –, Germaine Tillion fut aussi pendant la Seconde Guerre mondiale une résistante de la première heure, dont le courage et l’engagement ont été consacrés en 2015 par son entrée au Panthéon. L’Association Germaine Tillion, fondée en 2004, titulaire du droit moral sur le nom et sur l’œuvre de Germaine Tillion, n’a eu de cesse depuis sa création, de rappeler et mettre en valeur ses combats.

Le refus de la complaisance

Son exigence morale et intellectuelle la portera à refuser de baisser la garde face aux épreuves lorsqu’elle sera arrêtée en 1942 puis déportée à Ravensbrück en 1943 ; et dans toutes ses entreprises, à ne jamais céder à la facilité. Ainsi ses œuvres sont-elles toutes empreintes du souci d’élever la compréhension des événements au degré supérieur de l’analyse : tenter de saisir les faits et leur enchaînement dans leur globalité, de la façon la plus objective qui soit, en considérant toutes les forces en présence et sans céder à la complaisance. C’est ce regard et ce principe d’analyse, au fondement de sa pratique d’ethnologue, qui l’amèneront, immédiatement après son arrivée à Ravensbrück, à décrypter les mécanismes à l’œuvre dans l’organisation concentrationnaire, dont elle rendra compte dès 1946 avec son article « À la recherche de la vérité » dans l’ouvrage collectif Ravensbrück, puis dans son témoignage Ravensbrück publié aux éditions du Seuil en 1973. Ce sont eux aussi qui, en pleine guerre d’Algérie, l’inciteront à cartographier la situation économique, politique et humaine du pays : dans L’Algérie en 1957, publié aux Éditions de Minuit, ce qu’elle nomme la « tragédie algérienne » est replacé dans le contexte géo-politico-économique mondial, qui en détermine les développements présents et à venir au-delà du conflit colonisé-colonisateur.

Germaine Tillion au Sahara - Photo EG

Une journée d’hommage et de réflexion

L’Association Germaine Tillion, qui œuvre depuis vingt ans pour la diffusion de sa pensée, a souhaité marquer cette date anniversaire en organisant, en collaboration avec la BnF, la journée d’étude « Germaine Tillion, un héritage vivant ». Celle-ci reviendra sur les engagements et l’œuvre de l’ethnologue, ainsi que sur la façon dont sa pensée demeure à la fois une source d’inspiration et un modèle pour l’étude des questions les plus contemporaines. Par leurs analyses ou témoignages, les intervenants illustreront quatre prismes fondamentaux de son action : « Témoigner et transmettre », « S’engager », « Écouter et comprendre l’autre », « En rire ». La question de la transmission aux plus jeunes ayant été chez elle une préoccupation constante, l’association a souhaité que cette journée soit l’occasion d’un appel à projets à destination des établissements scolaires, dont les productions seront présentées et récompensées en fin de journée. Celle-ci sera suivie d’une représentation par la Compagnie Nosferatu d’une adaptation de l’opérette écrite par Tillion à Ravensbrück, le Verfügbar aux Enfers – témoin ô combien formidable de la force vitale du rire.

Laurence Le Bras et Geneviève Zamansky-Bonnin

Article paru dans Chroniques n° 101, septembre-décembre 2024