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Professeur, écrivain, poétesse, auteur dramatique, philosophe, et grande figure du féminisme, Hélène Cixous a publié une soixantaine de fictions et essais. Célébrée de longue date aux États-Unis, son œuvre a longtemps été marginalisée en France en raison de résistances parfois haineuses à ses engagements. Cette œuvre majeure, fruit d’une biographie qui croise quelques-unes des principales tragédies du 20e siècle, retrouve aujourd’hui sa juste place dans le paysage contemporain. Le 12 octobre 2021, le Prix de la BnF lui a été décerné.
Prix de la BnF 2021
Le 12 octobre 2021, le Prix de la BnF lui a été décerné. Le jury a salué la large palette de « cette autrice engagée, à l’œuvre littéraire inclassable ». « S’y rencontrent la profondeur d’une réflexion, l’écho d’engagements dans la vie intellectuelle, une recherche intime dans les méandres de la mémoire, une écriture d’une rare poésie », a commenté la présidente de la BnF, Laurence Engel.
Le prix de la BnF, créé en 2009, récompense « un auteur vivant de langue française pour l’ensemble de son œuvre ». Les lauréats passés sont Philippe Sollers (2009), Pierre Guyotat (2010), Patrick Modiano (2011), Milan Kundera (2012), Yves Bonnefoy (2013), Mona Ozouf (2014), Michel Houellebecq (2015), Jean Echenoz (2016), Paul Veyne (2017), Emmanuel Carrère (2018) et Virginie Despentes (2019).
Professeure, écrivaine, auteure dramatique, philosophe, et grande figure du féminisme, Hélène Cixous est née le 5 juin 1937 à Oran. Elle est la fille d’Ève Klein, sage-femme juive allemande née à Osnabrück, et de Georges Cixous, médecin juif né à Oran, qui meurt de la tuberculose alors qu’elle a dix ans. Agrégée d’anglais en 1959, elle consacre en 1968 sa thèse de doctorat à Joyce (L’Exil de Joyce ou l’Art du remplacement).
Avec Jacques Derrida, elle est à l’origine de la création de l’université de Vincennes et y crée le Centre d’études féminines et d’études de genre, pionnier en Europe. En 1969, elle participe à la fondation de la revue Poétique, avec Tzvetan Todorov et Gérard Genette, et en 1973 à celle du Centre national des lettres (aujourd’hui Centre national du livre). Depuis 1983, elle tient un séminaire au Collège international de philosophie.
Jacques Derrida reste son premier lecteur, ce dont témoigne sa longue étude H.C. pour la vie, c’est-à-dire (2002). Leur amitié et leurs échanges permanents ont joué un rôle considérable dans l’œuvre et la vie d’Hélène Cixous, qui a de son côté publié Insister. À Jacques Derrida (2006). Ils partagent aussi des publications communes ou croisées, comme Voiles(1998), où se tissent leurs voix à partir d’une fiction hantée par la myopie et l’aveuglement, illustrée par Ernest Pignon-Ernest.
L’engagement féministe
Ses récits et fictions, au genre souvent indéfinissable, déploient la grande histoire sur une scène intime, pour en découdre avec tout le théâtre de l’inconscient. La figure du père disparu hante son œuvre depuis Dedans, son premier roman, prix Médicis en 1969. Son œuvre traduit bien sûr ses divers engagements, notamment féministe. Nombre de ses livres ont été publié aux éditions Des femmes. Elle évoque la femme en tant que corps sexué et écrit l’émergence d’une femme émancipée de la tutelle de la société masculine (Souffles, 1975 ; Là, 1976 ; Angst, 1977 ; Anankè, 1979 ; le Livre de Promethea, 1983). Son essai Le Rire de la Méduse (2010) est considéré comme une œuvre déterminante du féminisme moderne.
La fiction comme réflexion sur l’écriture
L’engagement primordial d’Hélène Cixous n’en reste pas moins l’engagement littéraire, qui passe par l’enseignement et de nombreux essais, sur les œuvres de Clarice Lispector, Maurice Blanchot, Franz Kafka, Heinrich von Kleist, Montaigne, Ingeborg Bachmann, Thomas Bernhard, et la poètesse russe Marina Tsvetaeva.
La fiction est aussi le lieu d’une réflexion sur l’écriture : tout ayant déjà été dit par la littérature, il s’agit pour elle de dire autrement, dans une langue neuve, audacieuse et onirique. Ses livres, de plus en plus, libèrent la narration par le jeu laissé au signifiant qui les emporte : Tours promises(2004) propose en son premier tiers un véritable art poétique. Ses derniers livres travaillent la peau du temps à travers le personnage récurrent de sa mère : Hyperrêve (2006), Homère est morte (2014), Gare d’Osnabrück à Jérusalem (2016), Correspondance avec le mur (2017) ou en affrontant la mort et ses fantômes : Défions l’augure (2018), 1938, nuits (2019) et Ruines bien rangées (2020).
Un théâtre engagé
Hélène Cixous est également autrice de théâtre, et ses pièces ont été mises en scène par Simone Benmussa au théâtre d’Orsay, Daniel Mesguich au Théâtre de la Ville, et surtout Ariane Mnouchkine, avec qui elle collabore depuis les années 1980, ainsi qu’avec toute la troupe du Théâtre du Soleil à la Cartoucherie. Elle pratique une dramaturgie du détour, où la fresque historique et la parabole critique ont pour vocation de parler du temps présent, drame du sang contaminé dans la Ville parjure ou le Réveil des Erynies (1994), crises du pouvoir politique dans Tambours sur la digue (2000), ou attentats de 2015 dans Une Chambre en Inde (2016).
Elle a publié début octobre Rêvoir (Gallimard), des notes prises en 2020 qui ressassent certains moments de sa vie, présente et passée, flot d’images en dehors de toutes les modes.
Docteur Honoris Causa, Hélène Cixous a reçu de nombreux prix et distinctions. En 2016, elle est décorée Commandeur des Arts et Lettres et reçoit la même année le prix Marguerite Yourcenar qui récompense l’ensemble de son œuvre.