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Jean Philippe Rolin est né le 14 juin 1949 à Boulogne-Billancourt. Son père est un médecin militaire gaulliste et il passe une partie de son enfance en Afrique (Dakar), puis rentre en France pour des études au lycée Louis-le-Grand. Après avoir rapidement abandonné les études littéraires entreprises, Jean Rolin s’investit, comme son frère Olivier, de deux ans son aîné, dans le militantisme maoïste et l’organisation Gauche prolétarienne, puis s’en éloigne par dégoût de la violence, pour entrer dans une période marquée par l’alcool et les drogues. Il collectionne alors les petits boulots avant d’opter pour le journalisme, ou plutôt des reportages comme pigiste. Il a d’ailleurs reçu le prix Albert Londres en 1988 pour le récit d’un voyage en Afrique du Sud, Ligne de front.
Après des premiers récits et romans parfois assez oulipiens (Cyrille et Méthode, 1994), il a publié quelques textes plus autobiographiques, comme Joséphine (1994), portrait de sa compagne morte d’une overdose, L’Organisation (1996), qui raconte ses années gauchistes sur le mode humoristique et lui vaut le prix Médicis, ou plus récemment Savannah (2015), retour à soi et hommage encore à une femme aimée jadis.
Des récits de fiction
Mais la plupart de ses livres appartiennent à un territoire plus ambigu : ce sont des récits de fiction, où l’écrivain utilise le plus souvent le je mais un je souvent largement fictif, et qui se situent au plus près de la réalité mais bien loin du journalisme auquel on les rattache trop souvent :
« Ce n’est pas du journalisme que je fais ! Je suis un peu las de voir qu’on rapproche mes livres du journalisme. Ça n’a rien à voir. […] Le narrateur est présent et c’est aussi son histoire qui est racontée. […] Ensuite, je m’attache à une infinité de détails qui n’intéressent pas le journalisme : la topographie des lieux, la description d’un paysage, d’un bâtiment. On peut aussi s’attacher à des personnages qui n’ont aucun rôle… » (Entretien, Le Matricule des anges, avril 2005)
Le narrateur de Zones (Gallimard, 1995) forme par exemple le projet d’« habiter à Paris en dehors de chez [lui] » et explore la proche banlieue : « C’était un projet dépressif que j’ai transformé parce que je trouvais ça trop absurde. Mais l’idée centrale […] restait d’être un étranger dans sa propre ville ». La Clôture (2002) peint au plus près les zones inhospitalières du périphérique et les personnages étranges qui les peuplent. Terminal Frigo (2005) déambule dans les zones portuaires de Dunkerque, Calais, Le Havre ou Saint-Nazaire, dans de courts textes en désordre chronologique, où le narrateur passe d’un sujet à l’autre comme on revit ses souvenirs de routard.
Le Ravissement de Britney Spears (2011) semble marquer un retour au roman (un improbable agent secret dépressif enquête sur une menace d’enlèvement de la chanteuse) mais est surtout prétexte à explorer Los Angeles en piéton. Les Événements (2015) est le récit d’une traversée de la France dans le contexte d’une guerre civile imaginaire ou future. En 2013, Jean Rolin a reçu le prix de la langue française.
Palestine (Chrétiens, 2003), Afrique (L’Explosion de la durite, 2007), banlieue (Zones, 1995), Afrique du Sud (La Ligne de front, 1988), Émirats arabes (Ormuz, 2013) ou îles Palaos dans le Pacifique (Peleliu, 2016), ses voyages le conduisent dans des territoires variés et arpentent également notre époque mondialisée saturée de conflits.
Dans son dernier roman, Le Pont de Bezons (2020), il revient explorer la banlieue de Paris au long des boucles de la Seine. L’exploration d’un territoire est toujours un point de départ, territoire qu’il avoue avoir besoin d’ « arpenter, quadriller, s’approprier » à partir des cartes. Mais le voyage est aussi intérieur :
« C’est au cours de cette étape que ma démarche m’est apparue tardivement […] comme l’exact opposé de ces voyages réputés formateurs que l’on entreprend quand on est en âge de progresser : en somme un voyage à rebours, un voyage de dé-formation. » (Traverses, 1999)
Le voyage est enfin et surtout voyage dans la littérature et dans la langue. Les livres de Jean Rolin se caractérisent par une présence continue de la bibliothèque, dans laquelle il puise abondamment, convoquant Homère ou Racine, Flaubert ou Melville, parmi d’autres :
« Perec m’a beaucoup marqué (…). Rien n’est chiant chez Perec. Ce caractère expérimental, ces contraintes strictes qu’il s’impose n’empêchent pas que ça peut se lire à des niveaux différents et qu’on ne s’ennuie jamais. […] Cyrille et Méthode obéit à un très grand nombre de contraintes dans une perspective plus ou moins oulipienne. » (Entretien, Le Matricule des anges, avril 2005)
L’écriture in situ de Jean Rolin se nourrit du regard porté sur les choses, de la mémoire qui émerge à leur contact, des réflexions ou des rêveries qui ne manquent pas d’en découler. Dans une époque qui a épuisé les mythes du grand reportage, l’expérience vécue des lieux est transformée, recomposée par l’écriture, et tend aussi souvent vers le relevé à la Perec. L’écriture de Jean Rolin possède ainsi un phrasé qui lui est propre pour mêler observations et méditations, empathie et ironie.