La BN face à la Seconde Guerre mondiale
Alors que l’on commémore cette année les quatre-vingts ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la BnF propose une journée d’étude visant à éclairer les bouleversements humains et organisationnels vécus par l’institution, ainsi que les conséquences pour ses collections durant la période d’Occupation jusqu’à l’immédiat après-guerre.
L’importance culturelle et symbolique des lieux de conservation du patrimoine en fait fréquemment une cible stratégique lors des conflits armés. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, au cœur de Paris occupé, la Bibliothèque nationale s’est ainsi retrouvée sous surveillance. Confrontée à des choix et à des situations difficiles, elle resta malgré tout ouverte et poursuivit l’ensemble de ses missions.
Une institution face à l’Histoire
Comment la Bibliothèque est-elle parvenue à maintenir une activité propre pendant et après-guerre ? Quelles résistances y ont eu lieu dans le contexte d’une administration vichyste ? Comment s’est-elle organisée pour à la fois répondre aux injonctions du pouvoir en place et protéger les œuvres de la spoliation ? Comment, après-guerre, a-t-elle œuvré pour retrouver un rôle d’acteur démocratique dans le sillage de la Libération ? C’est à ces questions que la journée d’étude voudrait apporter quelques éléments de réponses, en étudiant le travail des bibliothécaires dans toutes les composantes de l’institution et en examinant les directives suivies pour faire face aux bouleversements de la période : mise à l’abri et sauvegarde des collections ; campagnes de reproduction ; modalités d’acquisition et d’entrée après 1942, à la suite de la création de nouveaux départements ; impact de la Libération sur les collections. La journée reviendra aussi sur le rôle crucial de personnalités de la Bibliothèque, dont la détermination à vaincre les obstacles et l’attachement à l’institution furent essentiels. Madeleine Chabrier, Jean Porcher, Georges Bataille ou Frantz Calot feront ainsi l’objet de présentations dédiées, tout comme l’enjeu décisif représenté par le rétablissement de Julien Cain au poste d’administrateur général à son retour de déportation.
Une Bibliothèque, des valeurs
Après le colloque organisé en juin 2023 à la BnF, « Enrichir les collections : l’Occupation à l’œuvre à la Bibliothèque nationale (1939-1946) », l’ambition de cette journée est d’opérer un examen rétrospectif pour mieux comprendre ce qu’a représenté le conflit en termes organisationnels pour l’institution prise dans les rouages administratifs et politiques de la collaboration, et de mettre en lumière les valeurs qu’elle a pu continuer d’incarner durant et après la guerre. Ce retour sur le passé de la Bibliothèque n’est possible que parce qu’y sont conservées de précieuses archives institutionnelles. Elles conservent la mémoire, époque après époque, de ce que les collections ne montrent pas : la chaîne de décisions et d’actions nécessaires pour faire vivre une bibliothèque aux collections si vastes, pour articuler l’action de ses services, coordonner ses politiques d’acquisition, préserver et rendre accessibles ses ressources et accueillir les lecteurs dans les meilleures conditions possibles. La fidélité des équipes à leurs missions, malgré les conditions de vie précaires et les menaces pour leur existence, fut fondamentale pour poursuivre à leur meilleur niveau possible les activités de la Bibliothèque. C’est au personnel d’aujourd’hui qu’il nous est donc apparu opportun de donner la parole lors de cette journée d’étude dont le programme est le résultat d’un appel à communications interne.
Yann Kergunteuil, Laurence Le Bras, Anne Leblay-Kinoshita
Article paru dans Chroniques n° 103, avril-juillet 2025