La Commune de Paris dans les collections du Département des Manuscrits
Parcourir les collections du département des manuscrits sous l’angle de la Commune de Paris c’est découvrir autrement la période à travers les documents littéraires et historiques de l’époque.
À côté des œuvres de Jules Vallès ou des poèmes de Rimbaud, les poèmes de Victor Hugo de L’année terrible (1872) sont un autre marqueur de la mémoire de la Commune dans l’histoire littéraire. Publié presque un an après les événements, l’ouvrage décrit l’ensemble de cette année qui s’étend entre septembre 1870 et juillet 1871, allant de la guerre contre la Prusse à la fin de la guerre civile et à ses suites. Alors député, Victor Hugo prit part à la défense de Paris assiégée mais pas à la Commune (il est alors en Belgique). Refusant la violence arbitraire, il en critiqua les excès avant de s’insurger vivement contre sa répression sanglante. Le poète des Châtiments, qui proclama son admiration pour Louise Michel (« Viro Major ») déclara par ailleurs sa porte ouverte « aux vaincus de Paris », ce qui valut d’être enjoint par Léopold II de quitter la Belgique et à sa maison d’être attaquée par des émeutiers. Il dût se réfugier au Luxembourg. C’est dans ce nouvel exil qu’il rédigea la plupart des poèmes de L’année terrible, en solidarité avec tous les « misérables » de la Commune, célébrant la mémoire des barricades et des fusillés :
« Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends
Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ; »
Ce soutien aux Communards de cet écrivain de 70 ans resta largement incompris de ses contemporains et lui valut aussi la perte de son siège de député. Pourtant Hugo poursuivit dans sa voie, réclamant l’amnistie des Communards, et, en 1874, composant son dernier roman, Quatrevingt treize (orthographe hugolienne), traversée d’une autre année terrible et décisive de l’histoire.
Plus tardivement, d’autres contemporains de la Commune reviendront sur cette « année terrible ». Ce fut le cas de Zola, avec La Débâcle en 1892, où dans cet ultime volet des Rougon-Macquart nous suivons Jean Maquart à travers les horreurs de la guerre franco-prussienne jusqu’à celles de la Semaine sanglante. Ce fut aussi le cas d’historiens qui revinrent sur cette période qu’ils venaient de vivre. On peut ainsi lire dans les manuscrits de Fustel de Coulanges, plus habitué de l’étude de l’Antiquité, une étude sur la Commune de Paris.
Au-delà de la littérature
Mais si le département des manuscrits possède une aura littéraire – finalement récente, puisque remontant au 19e siècle – ce département a toujours a été un département d’histoire. C’est ainsi qu’on y retrouve au-delà des écrivains des personnalités d’autres disciplines, comme le géographe aux convictions anarchistes Elisée Reclus, qui prit lui aussi part à la Commune (notamment engagé volontaire dans la garde nationale). On trouve, dans les affaires du géographe à côté des articles politiques, son acte d’inculpation pour sa participation à l’insurrection. Son frère, Elie Reclus n’est pas en reste, puisqu’il devint en mai 1871, directeur de la Bibliothèque nationale. Il ne put cependant rien faire, arrivant après un administrateur corrompu et se heurtant à la fronde des conservateurs et au premier chef de Léopold Delisle au département des manuscrits. Delisle deviendra par la suite l’administrateur de la Bibliothèque nationale, tandis que les deux frères Reclus devront, eux, quitter la France.
Dans les papiers de Clemenceau se retrouvent par ailleurs des lettres de Louise Michel, qu’il avait rencontrée dès 1870 comme maire de Montmartre. Il la soutiendra jusqu’à sa mort, malgré leurs divergences, éprouvant une véritable admiration pour sa vaillance au combat, ses idéaux et son intransigeance. Il soutiendra la lutte pour son amnistie alors qu’elle est exilée en Nouvelle Calédonie. C’est ce qui explique que le carnet qu’elle a confectionné lors de sa déportation soit présent dans le fonds d’archives de l’homme d’état, carnet fascinant où se trouvent des copies de lettres, une «chanson de guerre canaque», des dessins, mais aussi, au détour des pages, d’émouvantes fleurs séchées.
L’histoire ne s’arrête pas là, et l’héritage de la Commune se poursuit dans les fonds du département. Le fonds Jean-Paul Sartre laisse apparaître ses réflexions politiques et littéraires lié à une conception de l’écrivain engagé où il tient «Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression qui suivit la Commune, parce qu’ils n’ont pas écrit une ligne pour l’empêcher.» Et plus récemment et plus directement, l’héritage de la Commune continue dans les collections du département à travers le fonds Guy Debord qui a rejoint la BnF en 2010 et 2011, et dont les activités comme la réflexion poursuivirent celles de la Commune.