La littérature japonaise après Fukushima : 11 mars 2011 – 11 mars 2021
Un événement d’une ampleur exceptionnelle
Le 11 mars 2011, la côte Nord-Est du Japon est frappée par une triple catastrophe : un séisme de magnitude 9, suivi d’un tsunami, qui provoque l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima.
Le bilan de ces événements est d’une ampleur jamais vue depuis 1945 : le séisme et le tsunami causent la mort de près de 20 000 personnes, dont plusieurs milliers ne sont jamais retrouvées. L’accident nucléaire, quant à lui, a un impact humain, environnemental et sanitaire dont les effets sont encore visibles aujourd’hui : populations déplacées, régions condamnées, efforts de décontamination qui semblent sans fin. La gestion de la catastrophe, par les responsables de la centrale et le gouvernement japonais, est alors, et encore aujourd’hui, sujette à de très vives critiques, aussi bien de la part de la population locale que celle de figures de la vie littéraire, intellectuelle et politique du Japon.
La triple catastrophe a, dans ses multiples dimensions, généré une production littéraire originale et foisonnante : face à la sidération, à la colère, à l’incompréhension, la fiction, notamment, a été le recours d’un grand nombre d’auteurs qui se sont saisi du matériau littéraire comme d’une catharsis, souvent aussi pour appuyer un discours critique sur la politique nucléaire du Japon. Des premiers moments d’effroi sont ainsi nés les poèmes de Wagô Ryôichi, d’abord publiés sur Twitter puis sous la forme de recueils traduits et publiés en français sous le titre Jets de poèmes : dans le vif de Fukushima. Sous forme de romans, pour ne citer qu’eux, Itô Seikô, dans Radio Imagination, donne à entendre les voix de tous ceux qui ne savent même pas qu’ils sont morts tant la vague fut brutale, tandis que Takahashi Gen’ichirô tourne en dérision la gestion de la catastrophe nucléaire dans une fiction transgressive intitulée La centrale en chaleur, dans laquelle une équipe de films pornographiques entreprend de tourner à Fukushima, au bénéfice des populations sinistrées.
L’écriture de la catastrophe
De nombreux écrivains ont également publié des récits personnels, souvent des journaux écrits à chaud juste après la catastrophe, qui expriment le traumatisme vécu à titre individuel mais permettent aussi aujourd’hui d’appréhender celui de toute une société. Outre ceux d’auteurs japonais ayant fait l’expérience du « 11 mars » sur place, dont on trouvera des textes rassemblés dans L’archipel des séismes : écrits du Japon après le 11 mars 2011 (ouvrage dirigé par Corinne Quentin et Cécile Sakai), les récits d’auteurs japonais expatriés qui l’ont vécu à distance, ou bien d’auteurs français vivant au Japon, multiplient les points de vue et permettent de saisir la diversité des perceptions et des réflexions engagées sur l’écriture de la catastrophe. Citons ainsi le Journal des jours tremblants : après Fukushima, de Tawada Yôko, figure majeure du paysage littéraire contemporain, germanophone et résidant en Allemagne ; Ce n’est pas un hasard : chronique japonaise de Ryôko Sekiguchi, francophone et résidant en France ; ou encore Fukushima : récit d’un désastre de Michaël Ferrier.
Alors que l’on commémore aujourd’hui les dix ans de ce funeste événement, la BnF présente, à travers une bibliographie sélective, un aperçu de cette production que l’on désigne comme littérature « Post-Fukushima ». Elle inclut des ouvrages et articles critiques qui questionnent cette production et ses spécificités, laquelle est également le sujet de conférences universitaires, notamment en France. Elle est complétée par une sélection d’ouvrages documentaires ainsi que de recueils photographiques, témoins de l’événement. Les ouvrages recensés sont disponibles à la BnF, dans la Bibliothèque tous publics (salle G principalement) ou la Bibliothèque de recherche. Une partie d’entre eux seront exposés et consultables en salle G du 15 mars au 15 mai 2021.