Réalisé entre 1786 et 1789 à la demande de Louis XVI pour l’éducation de son fils aîné, le globe de Mentelle, conservé au département des Cartes et plans de la BnF, fait l’objet d’un prêt à long terme au château de Versailles. Chroniques a suivi l’installation de cet objet monumental dans l’appartement du Dauphin récemment restauré et remeublé.
« Pile poil, ça se joue à quelques centimètres près ! », s’exclame avec soulagement Julie Garel-Grislin, cheffe du service Conservation au département des Cartes et plans de la BnF. C’est elle qui, avec Bertrand Rondot, conservateur responsable de l’ameublement des appartements du Dauphin au château de Versailles, supervise le transfert du globe de Mentelle. Ce jour-là, il était impératif que le beau temps soit au rendez-vous : les dimensions de la caisse contenant la structure du globe ne lui permettant pas de passer par les portes et fenêtres du bâtiment, les transporteurs devaient la sortir et l’exposer ainsi à l’air libre, pour la faire entrer par l’une des fenêtres du grand cabinet du Dauphin, pièce principale de l’appartement. Le soleil radieux de cette matinée de printemps a permis à l’opération de se dérouler sans accroc.
Le globe n’en est pourtant pas à son premier voyage : d’abord installé aux Tuileries où il sert à l’enseignement d’Edme Mentelle, professeur d’histoire et de géographie, il est ensuite installé par Napoléon Ier dans le grand cabinet avant d’être envoyé au garde-meuble.
Vendu en 1826 à un particulier, il est acheté en 1877 par la Bibliothèque nationale qui le prête au château de Versailles à partir de 1983. La fermeture pour restau - ration de l’appartement du Dauphin offre l’occasion au globe de revenir un temps à la BnF, où il est présenté en 2019 dans l’exposition Mondes en sphères. Depuis, il attendait son heure dans les magasins du site François-Mitterrand, à l’abri dans deux imposantes caisses pesant respectivement 170 et 370 kilos. Après un parcours sinueux à travers les sous-sols du bâtiment, les deux caisses contenant les éléments du globe, chargées dans un camion, sont arrivées à bon port.
Le piètement de chêne décoré de trois dauphins sur lesquels repose la table d’horizon est installé avec précaution dans l’angle du cabinet du Dauphin. L’une des particularités du globe réside dans la séparation entre les deux hémisphères : la surface terrestre est représentée sur la calotte extérieure, tandis que se déploient sur le revers les constellations du ciel, dessinées en blanc sur fond bleu.
Au cœur de la demi-sphère inférieure, se niche un globe en cire qui représente les reliefs de la Terre et du fond des mers. Il faut quatre personnes pour sortir la lourde calotte supérieure de sa caisse, la soulever et la poser sur la structure en métal à laquelle elle est ensuite vissée. Le photographe présent a tout juste le temps de se glisser en dessous pour prendre quelques images de la voûte céleste : on peut y voir la configuration des astres à la naissance du jeune dauphin Louis-Joseph, auquel le globe était destiné. Julie Garel-Grislin et Bertrand Rondot se livrent alors au constat d’état : ils tournent autour de la structure, comparent les détails de l’objet avec les photographies antérieures, notent les éventuelles restaurations à prévoir.
« C’est un prêt essentiel, explique le conservateur, parce que le globe de Mentelle donne son sens au grand cabinet du Dauphin, qui est une pièce consacrée à l’éducation des princes. »
Les visiteurs du château de Versailles peuvent désormais admirer cet objet hors normes à la place qui lui était destinée lors de sa conception.
Mélanie Leroy-Terquem
Article paru dans Chroniques n° 95, septembre-décembre 2022
