Pour rappel, tous les sites de la BnF sont fermés les mercredis 25 décembre et 1er janvier.
Le jazz est là
En 2023, le collectionneur belge Léon Dierckx a fait don à la BnF de ses disques de jazz, blues et gospel 78 tours et microsillons, après celui d’un ensemble considérable de revues musicales. Retour sur la constitution d’un fonds unique dont l’étude va permettre d’éclairer l’histoire du jazz.
C’est au casino de Knokke-le-Zoute que Léon Dierckx, alors adolescent en vacances, découvre au début des années 1950 le trompettiste « Hot Lips » Page qui le marque profondément. Quelque temps après, il voit en concert le bluesman Big Bill Broonzy. Ses premiers achats de disques seront d’ailleurs, avec ceux de Louis Armstrong, des Big Bill Broonzy publiés par le label Vogue. Mais, comme Léon Dierckx le souligne lui-même, « le véritable coup de foudre » est lié à la venue en Belgique en 1950 de Duke Ellington qu’il voit successivement à Anvers et à Bruxelles. En parallèle, il approfondit sa connaissance du jazz grâce à l’écoute de l’émission de radio Notes blanches, musiciens noirs de Yannick Bruynoghe et à la lecture des ouvrages d’Hugues Panassié.
Une collection méthodiquement constituée
À partir de 1966, Léon Dierckx débute sa collection de disques en achetant notamment celle de Jean de Dobbeleer, garagiste et spécialiste de Bugatti, qui échange avec des clients américains des pièces de mécanique contre des pressages originaux de disques Columbia et Paramount. Puis en 1970, il commence à racheter la collection de Yannick Bruynoghe axée essentiellement sur le blues – notamment les disques Vocalion, sous-label de Brunwick destiné au public afro-américain et tiré à très faible quantité. En 1997, Léon Dierckx acquiert la collection du baron Carlos de Radzitzky d’Ostrowick, poète surréaliste, journaliste et critique musical, qu’il considère comme « la plus soignée et la plus remarquable » qu’il ait possédée. Ce corpus, composé d’environ 7 000 références, regroupe des microsillons de grands orchestres des années 1930 aux années 1950, des enregistrements de la période bebop avec notamment le label emblématique Blue note ainsi que de nombreuses revues musicales.
Un remarquable ensemble de revues spécialisées
La collection de périodiques donnée à la BnF n’est pas moins remarquable que celle de disques, par sa complémentarité avec ceux-ci, sa rareté et sa complétude. L’ensemble composé de revues, journaux et magazines couvre toute la chronologie du jazz, dans autant de pays que le collectionneur a pu en identifier, des États-Unis à l’Europe de l’Ouest en passant par des pays aussi divers que l’ancienne Tchécoslovaquie, l’Argentine ou le Japon. Presque toujours complètes, ces séries incluent aussi bien des classiques, tels le Melody Maker britannique, que des raretés à la limite du fanzine, à l’instar du Mississipi Rag ou du Jazz Revy danois, jusqu’ici absents des collections publiques françaises.
Compte tenu de sa volumétrie considérable, ce don exceptionnel a été transféré progressivement par la BnF, donnant son tempo à l’actualité des départements concernés entre 2021 et 2023. La richesse et la qualité de ce fonds suscitent déjà des projets de la part de la communauté des chercheurs. Comme si les archives du jazz faisaient écho, d’emblée, à l’avenir du genre et de son étude.
Jérôme Fronty et Jean-Rodolphe Zanzotto
Article paru dans Chroniques n° 101, septembre-décembre 2024