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Michelle Porte, le cinéma en liberté
Proche de Marguerite Duras, la cinéaste Michelle Porte a développé à travers une vingtaine de films un regard singulier sur le mystère de la création. Le don qu’elle a récemment consenti à la BnF de l’intégralité de sa filmographie et de ses archives personnelles offre l’occasion de redécouvrir son œuvre.
La réalisatrice Michelle Porte est une femme libre. À vingt ans, elle abandonne ses études de médecine pour faire des films. Elle doit son entrée en cinéma à Marguerite Duras, qui l’invite sur le tournage de son film La Musica (1960). Les deux femmes nouent une belle amitié artistique qui donne lieu à deux films majeurs tournés sur Duras par Porte : Les Lieux de Marguerite Duras (1976) et Savannah Bay, c’est toi (1984).
Un cinéma ancré dans les lieux
Libre, Michelle Porte l’est par l’exigence absolue de ses choix. Elle ne s’est jamais attachée à un unique producteur, même si l’INA a été un partenaire de choix pour cette ancienne de l’ORTF. Elle a su se donner la liberté artistique et les moyens techniques de tourner les films qu’elle voulait, documentaires ou fictions. Sa filmographie, riche de vingt-sept titres, s’articule autour d’une notion éminemment cinématographique : l’importance des lieux. Ainsi Louise Gerentes, étudiante en cinéma et amie de Michelle Porte, confie qu’elle a été « marquée par la manière qu’a Michelle Porte d’habiter un lieu et de pénétrer, en tant qu’artiste, dans l’intimité de la personne qui l’habite ».
Dans les nombreux portraits d’écrivains qu’elle réalise, la cinéaste explore en effet les lieux de la mémoire (Virginia Woolf), de l’exil (Edmond Jabès) ou de l’écriture même (Marguerite Duras, Annie Ernaux). Dans les portraits d’artistes contemporains, tout aussi nombreux (Claude de Soria, Jean Degottex, Yves Zurstrassen), ce seront les ateliers d’artiste, qu’on a rarement aussi bien filmés.
La Maison de Jean-Pierre Raynaud (1993), détruite en direct par l’artiste, devient même objet de performance. C’est encore par le lieu qu’elle raconte La Peste à Marseille en 1720 (1982) ou La Princesse Palatine à Versailles (1985). À chaque fois, Michelle Porte cherche à approcher le mystère de la création.
Une œuvre à voir dans Gallica
En 2021, 2023 et 2024, Michelle Porte a consenti plusieurs dons importants à la Bibliothèque nationale de France : outre l’intégralité de ses films, signalés au catalogue général, elle a donné ses archives personnelles (dont des échanges avec l’écrivain Claude Simon pour un projet d’adaptation de La Route des Flandres qui ne verra jamais le jour) ainsi que sa correspondance avec Marguerite Duras. Ce magnifique ensemble est décrit dans le catalogue BnF Archives et manuscrits.
Soucieuse aujourd’hui de rendre son œuvre accessible au plus grand nombre, Michelle Porte a autorisé la mise en ligne sur Gallica de certains de ses films : « J’ai pensé que ça valait la peine de montrer mes films à des gens qui sinon ne les verraient pas », a-t-elle déclaré. Sont ainsi disponibles en ligne onze documentaires dont elle détient les droits, auxquels s’ajoutent Françoise Sagan (1996) et Maud Linder par Michelle Porte (2019) grâce à l’aimable autorisation des producteurs Olivier Mille (Artline) et Clara Pasi (Arimages).
Après la rétrospective organisée par l’INHA en 2018 et l’après-midi de projections que lui a consacrée la BnF en 2023, nul doute : on n’a pas fini de redécouvrir l’œuvre de Michelle Porte !
Alexia Vanhée
Article paru dans Chroniques n° 101, septembre-décembre 2024