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Musiques venues d’ailleurs – L’Exposition coloniale internationale de Paris de 1931
6 mai 1931 : l’Exposition coloniale internationale de Paris est inaugurée par Gaston Doumergue, président de la République. Elle occupe plus de cent dix hectares du bois de Vincennes, autour du lac Daumesnil. Le Musée de la parole et du geste de l’Université de Paris profite de l’événement pour y enregistrer les peuples et ethnies d’Afrique, d’Asie et de l’Océanie présents.
Initiée par Hubert Pernot, cette collecte est réalisée entre la fin juin et le 6 novembre 1931 par Philippe Stern et son assistante Mady Humbert-Lavergne. Il s’agit pour le Musée de réaliser une « anthologie musicale de l’Exposition ». 368 enregistrements sonores des « musiques et parlers coloniaux » sont réalisés avec le soutien de la firme discographique Pathé. De ces enregistrements, 184 disques 78 tours sont produits, représentant une vingtaine d’heures d’écoute. De nombreux comédiens, musiciens, chanteurs et danseurs des colonies françaises d’Afrique, d’Asie et d’Océanie sont enregistrés. Ce fonds propose des musiques et chansons traditionnelles, des récits, des fables et des contes, des récits personnels et historiques ainsi que des dictions et énumérations de nombres en différents dialectes.
Parallèlement à ces enregistrements, le Musée de la Parole commande au photographe Paul Pivot un reportage sur les interprètes et les musiciens présents. En octobre 1931, Paul Pivot réalise, 157 clichés, pris dans l’enceinte même de l’Exposition et au camp militaire de Saint-Maur.
Ces enregistrements sonores effectués par le Musée de la parole pendant l’Exposition coloniale s’inscrivent à la fois dans un dispositif de propagande, et la mise en spectacle des colonies qui en résulte. Les courriers échangés dès 1928 par le commissaire général de l’Exposition, le maréchal Lyautey, et Hubert Pernot, alors directeur du Musée de la parole et du geste le confirment. De même, les accords passés entre le Musée et la compagnie phonographique Pathé pour l’édition d’un « choix » de pièces, témoignent de la volonté du Musée quant à la diffusion de ces enregistrements auprès du public et à l’exclusivité qu’il en revendique. La valeur intrinsèque de ces documents reste réelle. En 1932, André Schaeffner ne s’y trompera pas. Il en fera la première collection sonore à intégrer la toute nouvelle phonothèque du Musée d’ethnographie du Trocadéro.
Et aujourd’hui, ce sont les créateurs contemporains qui investissent ces enregistrements. Ce fut le cas en 2018-2019 avec le DJ NSDOS, qui a travers une résidence d’artiste à la Villa Medicis offerte par la BnF, a donné une réinterprétation étonnante de ces répertoires mêlant musiques traditionnelles et sons électroniques.
Cette anthologie est accessible salle A dans la Bibliothèque tous publics (Haut-de-jardin), Salle P dans la bibliothèque de recherche (Rez-de-jardin),
et sur Gallica.
Sont représentés :
- L’Afrique du nord : Algérie, Maroc, Tunisie
- L’Afrique équatoriale française (AEF) : Tchad, Oubangui-Chari (République Centrafricaine), Moyen-Congo (Congo)
- L’Afrique occidentale française (AOF) : Mauritanie, Bénin (Dahomey), Guinée française
- Côte d’Ivoire, Haute-Volta (Burkina Faso), Soudan français (Mali)
- Autres pays d’Afrique subsaharienne : Togo, Cameroun, Mozambique, Côte française des Somalis (République de Djibouti), Madagascar, Somaliland
- L’Asie : Laos, Cambodge, Viet-Nam (Tonkin), Inde (Indes britanniques), Bali (Indes néerlandaises)
- L’Océanie : Nouvelle Calédonie
- Pascal Cordereix : « Les enregistrements du musée de la Parole et du Geste à l’Exposition coloniale. Entre science, propagande et commerce », in Vingtième siècle. Revue d’histoire, 92, octobre-décembre 2006, p. 47-59
- Michel Pierre : « Les indigènes de l’Empire dans l’exposition coloniale de 1931 », conférences de la Bibliothèque nationale de France : Les brûlures de la colonisation, du mardi 27 mai 2008, Paris, 2008.
- Charles-Robert Ageron, « L’Exposition coloniale de 1931 : mythe républicain ou mythe impérial ? », in Les lieux de mémoire. I. Sous la dir. de Pierre Nora, Gallimard, 1997, pp. 493-515, (Quarto)
- Herman Lebovics, « Donner à voir l’Empire colonial : l’Exposition coloniale internationale de Paris de 1931 », Gradhiva, n°7, hiver 1989-1990, pp. 18-28