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Opération opérette
La BnF vient d’acquérir un fonds d’archives du compositeur Jacques Offenbach (1819–1880), classé Trésor national. Très complet, ce fonds apporte un nouvel éclairage sur la scène musicale et lyrique parisienne du Second Empire aux débuts de la IIIe République.
Connu de rares initiés et encore peu exploité, le fonds Offenbach provient de la famille du compositeur. Il comprend une centaine de partitions manuscrites, pour certaines inédites, des livrets annotés, archives théâtrales, papiers et objets personnels ayant appartenu à l’auteur des Contes d’Hoffmann. Cet ensemble exceptionnel a pu rejoindre les collections du département de la Musique grâce aux dons de près de 1 200 particuliers et plusieurs grands mécènes de la BnF, parmi lesquels Jean-Claude Meyer, président du Cercle de la BnF, Henri Schiller et Alain Minc. Les participants au dîner annuel en faveur des acquisitions ont également contribué.
Itinéraire d’un virtuose
C’est avec le violoncelle que le jeune Jacques Offenbach, né en 1819 dans une famille musicienne, se fait connaître à Cologne puis à Paris, où son père l’envoie à 14 ans parfaire sa formation musicale. Sa virtuosité prodigieuse, dont témoignent plusieurs manuscrits du fonds, comme les Duos pour les frères Offenbach, lui ouvre rapidement les portes des salons puis des salles de concert, à Paris et en Europe. Mais c’est sur les scènes lyriques que le jeune compositeur entend conquérir une société parisienne en pleine effervescence. Auteur de musiques de scène, chef d’orchestre, gestionnaire et directeur de théâtre, Offenbach impose peu à peu le genre nouveau de l’opéra-bouffe à la française, mêlant les registres savants et populaires avec une irrésistible facétie. Figure emblématique du Paris du Second Empire, il acquiert dans les années 1860 une renommée mondiale.
La genèse d’une œuvre majeure
Le fonds met en lumière tous les genres musicaux explorés par le compositeur. D’esquisses en fragments et versions de travail, les partitions des soixante-trois pièces lyriques représentées dans cet ensemble devraient permettre de reconstituer la genèse dœuvres souvent remaniées, de débusquer les ressorts comiques utilisés par ce fin dramaturge et de mettre au jour quelques perles. Parmi les pièces phares figure la monumentale partition de La Grande duchesse de Gerolstein, chef-d’oeuvre d’un artiste au sommet de son art. Créée pendant l’Exposition universelle de 1867, cette satire du militarisme ambiant, qui dissimule sous un joyeux persiflage une critique acerbe de la société et du régime, remporte un succès phénoménal, drainant vers la capitale française toutes les têtes couronnées d’Europe.
S’adaptant sans cesse à l’évolution des modes et des régimes, Offenbach s’essaiera après 1871 au nouveau genre de la féérie, reprenant avec succès cet Orphée aux Enfers qui, en 1855, avait fait les beaux jours du tout nouveau Théâtre des Bouffes-Parisiens. Les dessins de costumes signés par Stop en soulignent l’inspiration fantasque, tandis que les grands livres comptables du Théâtre de la Gaîté pour les années 1873 à 1875 témoignent du désastre financier qui frappe une nouvelle fois le malheureux entrepreneur. Ultime chef-d’oeuvre, l’opéra des Contes d’Hoffman est créé dans une version abrégée le 10 février 1881 sur la scène tant convoitée de l’Opéra-Comique, quatre mois après la mort du compositeur. Les partitions des trois premiers actes, où interviennent différentes mains, sont particulièrement précieuses, donnant à voir une genèse complexe. Comme pour quelques autres titres, leur acquisition permet de reconstituer une œuvre majeure du patrimoine lyrique mondial.
Catherine Vallet-Collot
Article paru dans Chroniques n° 97, avril-juillet 2023