Quand la BD explore l’histoire de la cartographie

Raconter en bande dessinée l’histoire de la cartographie de l’Antiquité à nos jours ? C’est le défi relevé par Jean Leveugle et Emmanuelle Vagnon, qui publient Geographia, l’odyssée cartographique de Ptolémée (Futuropolis / BnF Éditions). On y suit Claude Ptolémée, auteur vers 150 de la Géographie, se promenant dans le temps et l’espace pour faire reconnaître la portée historique de son œuvre…

 

Chroniques : Quelle a été l’origine de cette bande dessinée à quatre mains ?

Jean Leveugle : J’avais envie, depuis plusieurs années déjà, de raconter l’histoire de la cartographie en BD. J’avais commencé, seul, un premier Feuilleton de Ptolémée publié en ligne, pour m’apercevoir assez vite que je prenais trop de risques ! Je ne suis pas historien, mais urbaniste de formation, et j’avais besoin de l’aide d’un spécialiste. Je me suis alors tourné vers Emmanuelle, qui est médiéviste et avait notamment été commissaire de l’exposition L’Âge d’or des cartes marines présentée à la BnF en 2012.

Emmanuelle Vagnon : J’avais réalisé plusieurs projets de médiation du savoir, notamment La Fabrique de l’océan Indien, un ouvrage qui évoque les grands moments de la cartographie mondiale. J’ai été immédiatement enthousiasmée par l’idée de Jean et nous avons fait, ensemble, un deuxième épisode de 12 pages. De là est né un projet de livre, que nous avons soumis à la BnF… Sur la trentaine de cartes que nous voulions intégrer, une vingtaine est conservée dans les fonds de la Bibliothèque.

Geographia, l’odyssée cartographique de Ptolémée - Texte et dessin de Jean Leveugle, avec l’appui scientifique d’Emmanuelle Vagnon – Coédition Futuropolis I Éditions de la BnF

 

Pour raconter l’histoire de la cartographie, vous avez adopté le point de vue de Claude Ptolémée. Pourquoi ce géographe plutôt qu’un autre ?

J. L. : Il me fallait un personnage qui serve de guide, explore les différentes régions du monde et traverse les époques. Or Ptolémée appartient à l’Antiquité latine, tout en ayant fait la synthèse des travaux de l’Antiquité grecque, eux-mêmes en partie issus des écrits mésopotamiens. Son œuvre a circulé en Occident et en Orient, avant d’être perdue au Moyen Âge, puis redécouverte à la Renaissance et traduite en latin… Il correspondait particulièrement bien à mes besoins scénaristiques.

E. V. : Ptolémée est le père de la cartographie occidentale moderne, le fondateur de la géographie mathématique, le premier à avoir placé sur une carte des coordonnées géographiques. Sa redécouverte à la Renaissance a suscité un immense enthousiasme. Il est aujourd’hui un peu oublié, mais son œuvre a servi de base théorique à toute la cartographie jusqu’à nos jours !

Quelle est la place dévolue dans l’ouvrage aux cartes elles-mêmes ?

J. L. : Elles ont été redessinées pour être intégrées à l’histoire et tenues entre les mains des personnages : il était essentiel pour moi que ces documents historiques ne soient pas extérieurs au récit. J’ai parfois procédé à quelques simplifications par souci de lisibilité, réduit les dimensions d’une carte pour les besoins de l’intrigue ou transformé une mappemonde appartenant à un codex en rouleau étalé sur une table… Exception faite de ces petites entorses à la réalité historique, j’ai joué, avec beaucoup de plaisir, le fidèle copiste.

E. V. : Nous avons un temps songé à intégrer des reproductions photographiques des cartes au sein de la bande dessinée. Mais finalement nous avons préféré les proposer en fin d’ouvrage, dans un dossier qui retrace les grands jalons de la cartographie. Les cartes apparaissent alors dans toute la profusion de leurs couleurs et de leurs détails, et également avec la mention de leurs dimensions, pour que le lecteur puisse, cette fois-ci, bien se représenter leur taille réelle.

 

 

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

Article paru dans Chroniques n° 102, janvier-mars 2025