Regards sur le monde indien
Présente dans tous les départements de collections de la Bibliothèque à travers peintures, manuscrits, livres, costumes ou maquettes d’opéra, l’Inde est à l’honneur dans la Rotonde du musée jusqu’au 6 avril 2025.
On doit à Louis XV d’avoir constitué une collection indienne à Paris. Le roi chargea en effet son bibliothécaire, l’abbé Jean-Paul Bignon, de réunir un ensemble de manuscrits représentatifs des littératures de l’Inde. Les pères jésuites en poste au Bengale et au Tamil Nadu parvinrent à acquérir et à faire copier des textes importants. Parmi les trois cents manuscrits envoyés à Paris dans les années 1730 figure la première copie conservée en Europe du Rigveda, texte fondateur du brahmanisme.
Des collections prestigieuses
La seconde moitié du XVIIIe siècle vit les collections s’enrichir de dons prestigieux, comme en témoigne la collection de peintures et de manuscrits enluminés rassemblée par Jean-Baptiste Gentil. Militaire éclairé, amateur d’art et de belles-lettres, Gentil s’était mis au service des princes de l’Inde du Nord. Ses relations lui permirent d’acquérir de nombreuses peintures représentatives des différentes écoles stylistiques. Elles constituent aujourd’hui le cœur des collections de peinture indienne où se côtoient scènes de genre, portraits de cour, dessins d’architecture et planches botaniques.
Les épopées, sources d’inspiration
Parmi les œuvres littéraires fondatrices de la culture indienne, les deux épopées du Mahâbhârata et du Râmâyana font figure d’inépuisables sources d’inspiration. Composées en sanskrit aux premiers siècles de notre ère, elles renferment une multitude d’histoires qui ont alimenté la composition d’œuvres littéraires, la production de scènes peintes ou la création de pièces pour le théâtre d’ombres. Relevant de la mémoire collective, ces histoires ont également inspiré librettistes et dramaturges, jusqu’à la célèbre adaptation du Mahâbhârata par Peter Brook présentée pour la première fois en 1985 au Festival d’Avignon. Tirée d’un épisode de cette vaste épopée, l’histoire de Shakuntalâ en est un parfait exemple. Adaptée en pièce de théâtre par le poète indien Kâlidâsa au Ve siècle, elle fut éditée et traduite en français par Antoine Léonard Chézy en 1820 à partir d’un manuscrit conservé à la BnF. La pièce bouleversa l’Europe romantique qui s’en empara pour monter ballets et opéras.
Miroir d’une Inde multiculturelle
La richesse des collections indiennes de la BnF reflète la diversité culturelle qui caractérise ce vaste pays. Aux 3 500 manuscrits rédigés dans de nombreuses langues indiennes viennent s’ajouter 2 500 peintures, les premières photographies prises dans les temples du Sud, les monnaies et objets archéologiques collectés au XIXe siècle, les enregistrements sonores des râgas indiens, ou encore les costumes de scène conçus pour la danseuse franco-indienne Nyota Inyoka. Le choix d’œuvres présentées dans la Rotonde du musée jusqu’en avril prochain permet de porter un regard nouveau sur le monde indien, sujet d’étude et de ravissement.
Jérôme Petit
Article paru dans Chroniques n° 102, janvier-mars 2025