Réunion Inter atelier : Les globes de Coronelli

dans Actualités de la conservation, n° 27, janvier-juin 2008
Mot-clé dans l’index : restauration
Nathalie Buisson (BnF)Alain Roger (BnF) Daniel Vigears et Thierry Borel (CRRMF)
 

L’étude matérielle des globes de Coronelli a fait intervenir une équipe pluridisciplinaire. Cette étude comprend l’analyse de la structure interne et de la surface des globes. Les résultats de ces travaux ont été présentés le 23 mars 2007 dans le cadre du colloque Les grands globes de Coronelli , qui a été l’occasion de réunir conservateurs, historiens, restaurateurs et scientifiques. Une partie du volet scientifique du colloque a ensuite été présentée à la réunion inter-ateliers du 16 octobre 2007. Dans un premier temps a été abordée l’étude de la structure interne par la radiographie. Ensuite l’étude de la surface a été présentée à travers l’imagerie scientifique ainsi que l’analyse de la matière picturale du globe terrestre de Coronelli. Pour terminer, une chronologie des différentes actions de restauration a été exposée.

Thierry BOREL (Radiologue, CRRMF)

La structure des globes, presque totalement visible par les trappes de visite, gardait quelques aspects inconnus. On savait la poutre centrale divisée en deux moitiés reliées par des plaques métalliques vissées, car les globes avaient été démontés selon leurs deux hémisphères. Mais on ne pouvait connaître ni la longueur de l’axe métallique du pôle, ni le dispositif de liaison de la poutre centrale sur la structure sphérique.

Une première campagne radiographique avait eu lieu en 2001, lorsque les globes étaient stockés à la Cité des Sciences de la Villette. Les cloisons des caisses en bois dans lesquelles ils étaient conservés furent partiellement démontées pour l’étude préliminaire à la restauration.

Les premières images radiographiques de la poutre centrale ont confirmé que la tige métallique des axes était interrompue au moins dans la partie centrale de la poutre.

Des tests radiographiques ont également été effectués sur chaque globe pour visualiser la couche picturale au niveau de la trappe d’accès. La complexité des superpositions de matériaux divers (toile, bois, plâtre, peinture au minium), et leurs épaisseurs respectives, ont essentiellement fourni des informations sur le clouage des planches.

On a ainsi pu constater la grande similitude de construction des deux globes, ainsi que leur état sanitaire apparemment très satisfaisant. Pour de multiples raisons, la technique radiographique se montrait ici moins pertinente pour l’examen de la couche picturale que la photographie scientifique sous IR et en fluorescence d’UV.

En 2006, une étude radiographique complémentaire s’est efforcée de visualiser la structure métallique, afin de déterminer les risques possibles lors de l’exposition prévue des deux globes dans leur position naturelle (axes presque verticaux). Les informations apportées par les radiographies ont permis de valider les calculs du comportement mécanique des structures des globes.

Daniel VIGEARS (Photographe, CRRMF),

Une campagne photographique des globes de Coronelli a fourni une couverture complète des deux globes en lumière visible, en fluorescence sous ultraviolets (état des restaurations anciennes), en infrarouge (révélation d’un dessin sous jacent).

Ces photographies ont permis d’enregistrer l’état des globes et de révéler les modifications par rapport aux dessins sous-jacents et les différentes restaurations superficielles. Les prises de vues ont été faites en fonction de leur destination: à savoir précision des informations et couverture générale des globes.

La translation en x et y était de 15. Ces translations géostationnaires ont généré 12 images pour couvrir un méridien et 12 déplacements en latitude. À chacune des stations, trois photographies étaient prises sous différents rayonnements: visibles, fluorescence d’ultraviolets et infrarouges. La couverture photographique complète par globe représente 864 fichiers de 48 Mo.

Les photographies en infrarouge nous révèlent les dessins préparatoires et repentirs qui se trouvent sous la couche picturale.

Les photographies infrarouges fausses couleurs des globes réalisées en post production ont surtout révélé la différence de concentration du lapis-lazuli entre le centre et les bords des océans.

Les photographies en fluorescence sous ultraviolets montrent les différences de nettoyage entre plusieurs zones. Les disparités de la couche de vernis sur les parties restaurées vont apparaître avec les ultraviolets sous forme de zones plus foncées, car celles-ci ne fluorescent pas.

Bien que les photographies de l’état avant restauration des globes soient en deux dimensions, nous proposons qu’à partir de celles-ci soit réalisé un géoportail, un visualiseur 3D. Cette idée serait le prolongement de la démarche de Coronelli, une suite logique du travail de François Lelarge, conférencier et gardien des globes à l’époque de Louis XIV.

Nathalie BUISSON (chargée d’étude et de recherche au département de la conservation, BnF)

Cette étude a porté sur une quarantaine de prélèvements réalisés sur le globe terrestre de Coronelli. L’objectif était de caractériser au microscope électronique à balayage couplé à une sonde de microanalyse X la nature chimique de la préparation, de la dorure et des pigments. Cette analyse a été complétée par l’étude de photographies prises sous rayonnement infrarouge. Les recherches indiquent que la préparation est composée de trois couches de blanc de plomb, de granulométrie décroissante. L’examen de la dorure montre qu’il s’agit d’une dorure à la feuille d’or posée sur une assiette rouge foncée. La palette des pigments retrouvés sur l’ensemble du globe est riche et variée: ocre, hématite, laque, vermillon, minium, jaune de plomb et d’étain, lapis-lazuli, vert au cuivre, terre verte, noir de carbone et noir d’os. L’utilisation de ces pigments est conforme à l’emploi qui en était fait à l’époque de la fabrication des globes. Le lapis-lazuli a été utilisé pour peindre tous les éléments de décor bleu comme le montrent les analyses MEB et les photographies infra rouges en fausses couleurs. Il a été retrouvé soit en mélange avec un peu de terre verte pour peindre le bleu de la mer, soit mélangé à de l’ocre jaune pour le glacis vert des vagues, soit utilisé seul pour le rendu des côtes, des petits cours d’eau, des lettres et des autres éléments de décor bleu. Il s’agit d’une quantité considérable de lapis-lazuli (près de 36% de la surface du globe terrestre), ce qui en fait un objet rare et précieux, compte tenu du coût de ce pigment.

Alain ROGER (restaurateur, Cartes et Plans)

Une équipe de restaurateurs, constituée de quatre techniciens d’art de la BnF et d’une équipe de restaurateurs privés a œuvré sur les deux globes : dépoussiérage, nettoyage, refixage de la couche picturale, restauration du bois et du métal. Les interventions se sont déroulées in situ dans le hall de la Bibliothèque François Mitterrand.

Dans un premier temps il a été procédé au nettoyage des globes car après leur exposition au Grand-Palais en novembre 2005, ils s’étaient encrassés de poussières de béton, matière particulièrement abrasive.

Les zones polaires ont été refixées avec une solution aqueuse à 4 % de colle d’esturgeon diffusée. Les surfaces à traiter ont ensuite été entièrement recouvertes de papier boloré 13g.

Un dévernissage a été réalisé. Un premier traitement a permis de dégager un vernis de surface et les repeints récents, avec un mélange isopropanol 50 % + isooctane 50 %. Le deuxième vernis a été retiré avec un solvant gel à base d’éthyle lactite. Les lacunes ont été mastiquées avec du Modostuc blanc. Les retouches ont été réalisées avec les couleurs pour restauration Gamblin.

Pour le globe céleste, il fut décidé de conserver les anciennes restaurations réalisées sur le pôle sud au niveau de l’hydre et des lettres ornées monde austral.

La toile paillasson a été fixée à nouveau sur le lattis à l’aide d’un mélange de colle BVA et de pâte à papier. Un cercle en bois calibré sur le modèle existant a ensuite été réalisé. Plusieurs couches de toiles plâtrées ont ainsi été réintégrées. La toile peinte a été refixée à cet ensemble par un jus de plâtre, et les lacunes restantes remises à niveau avec un gesso primere. Une reconstitution a été réalisée au niveau du cou de la girafe et du pied droit de Cyphé d’après la gravure de Jean Baptiste Nolin conservée à la Chalcographie du Louvre, avec des couleurs Liquitex.

La restauration métal a consisté en la fabrication en atelier de 50 vis en laiton à l’identique de celles existantes et de 4 tourillons de tirage en bronze patiné muni d’une tige filetée ainsi qu’un élément de bronze fondu tourné. L’objectif étant de supprimer des vis en acier inesthétiques, de remplacer les vis manquantes et de plaquer à nouveau les grands cercles en bronze contre les globes. Enfin, la restauration d’une colonne et d’un masque a été effectuée.

L’intervention de restauration proprement dite a été réalisée dans un temps très court, le mois de juillet pour les globes et 10 jours en septembre pour la colonne et le masque. Cette contrainte a conduit à trouver rapidement des solutions pratiques, par exemple l’utilisation de matériaux de séchage rapide. La réalisation et le résultat final ont été tout à fait remarquables.

Lors de cette étude, différents spécialistes se sont penchés sur les globes. Cette interdisciplinarité a permis d’avoir une vision complète des deux sphères et de comprendre leurs différents aspects historiques et techniques.

Les actes du colloque seront disponibles au cours de l’année 2009. Ils pourront être consultés au centre de documentation du département de la conservation.