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Revoir les Insoumuses
Face caméra, vingt-trois actrices françaises et américaines répondent aux questions de Delphine Seyrig. Elles parlent des rôles qui leur sont proposés et de ce qu’ils disent du regard des scénaristes, des cinéastes et des studios. Le tournage du film commence à Hollywood en 1975, année où paraît l’article fondateur de Laura Mulvey qui théorise le concept de male gaze, et ces témoignages semblent venir directement étayer ses analyses. « Le cinéma n’est qu’un énorme fantasme masculin », déplore ainsi l’actrice Delia Salvi.
Un travail collectif et militant
Sois belle et tais-toi ! est le fruit d’un travail collectif. Delphine Seyrig est accompagnée à la caméra et au montage par Carole Roussopoulos et Ioana Wieder, avec qui elle forme alors le collectif Les Insoumuses. Elles se consacrent ensemble à la réalisation de vidéos militantes, puis créent en 1982 le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir qui élargit leur champ d’activité à la conservation et à la diffusion des bandes féministes. Régulièrement montrée, la version disponible de Sois belle et tais-toi !, tournée avec les premiers appareils de vidéo légère apparus à la fin des années 1960, souffrait de nombreux défauts dus au vieillissement des bandes. Une restauration s’imposait. Pour cela, il a fallu retrouver dans l’entourage de Delphine Seyrig, décédée en 1990, une version du film dépourvue du doublage en français des actrices américaines. Quand enfin une des deux bandes de la version montée réapparaît, le projet de restauration peut être lancé.
De la restauration à la mise en ligne
La BnF, qui conserve en dépôt la majorité des supports vidéo du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, a déjà restauré plusieurs titres de son catalogue. Ce type de projet implique d’abord une phase de reconstitution de l’histoire du film. Les différentes opérations techniques qui suivent sont réalisées dans les studios du centre de conservation de la BnF à Bussy-Saint-Georges : chauffage des bandes pour atténuer leur dégradation, choix des magnétoscopes et correcteurs vidéo utilisés pour la numérisation, étalonnage pour restituer le contraste d’origine et enfin suppression image par image des défauts qui subsistent sur la version numérisée. En parallèle, la bande sonore, de faible qualité technique et enregistrée sur une unique piste mono, a été restaurée pour remettre la voix des actrices au premier plan et améliorer le confort d’écoute. Ce travail doit permettre la sortie du film dans les salles de cinéma en 2023 grâce à la société de distribution Splendor Films. Sois belle et tais-toi ! sera ensuite mis à la disposition de tous sur Gallica.
Julie Guillaumot
Article paru dans Chroniques n° 96, janvier- mars 2023