Stefan Hertmans - Bibliographie

Le 21 mars 2023, l’écrivain belge néerlandophone Stefan Hertmans est invité pour une masterclasse à la BnF, en collaboration avec France Culture. À cette occasion la Bibliothèque nationale de France présente une bibliographie sélective.

 

Stefan Hertmans © Photo Francesca Mantovani © Éditions Gallimard

Une œuvre riche de références

La poésie, les romans, les nouvelles, le théâtre et les essais de Stefan Hertmans, né en 1951 à Gand, en Belgique, composent une œuvre qui témoigne de son érudition et de sa grande culture littéraire, philosophique et artistique. Il est aujourd’hui l’un des auteurs de langue néerlandaise les plus importants et de dimension internationale.

Stefan Hertmans débute sa carrière d’écrivain avec Ruimte (« Espace », non traduit en français), publié en 1981 et couronné du prix du premier roman. En 1984 paraît son premier recueil de poésie, Ademzuil (« Colonne de souffle », non traduit en français).

Ses premiers livres sont remarqués par la critique, mais ne rencontrent pas le grand public. Son écriture, abstraite et souvent qualifiée d’hermétique, est d’inspiration moderniste et foisonne de références littéraires, culturelles, philosophiques. À partir des années 1990, ses textes deviennent progressivement plus ouverts et accessibles, tendant davantage vers un courant postmoderne, même s’il a réfuté lui-même cette caractérisation. 
Le recueil Entre villes : histoires en chemin (Steden, 1998), situé dans la tradition littéraire de Walter Benjamin et de Claudio Magris, questionne l’influence de l’urbanisme sur l’identité. Il illustre cette transition entre modernisme et post-modernisme car ces « histoires », avec leurs métaphores, répétitions et effets rhétoriques, sont des objets autonomes tout en étant inscrits dans la réalité, tant historique qu’autobiographique.

La reconnaissance internationale

Le roman Guerre et térébenthine (Oorlog en terpentijn, 2013), un tournant dans l’œuvre de Hertmans, le fait connaître du grand public et lui fait franchir les frontières de l’espace néerlandophone. Traduit en plus de vingt langues et acclamé par la critique néerlandaise et internationale, ce roman est construit à partir des cahiers du grand-père de l’auteur, dans lesquels sont relatés à la fois sa jeunesse pauvre et ce qu’il a vécu comme soldat au front lors de la Grande Guerre. Le roman reprend le récit des cahiers dans une langue contemporaine et raconte la naissance de ce livre à travers le travail d’écriture, tout en mêlant extraits des cahiers, des documents iconographiques et souvenirs de l’auteur Hertmans.
Selon les propres mots de Hertmans, c’est un roman « historisant ». Avec Le cœur converti (De bekeerlinge, 2016) et Une ascension (De opgang, 2020), d’autres romans plus grand public, il forme comme un tryptique. Le cœur converti relate les tribulations d’une jeune femme chrétienne convertie au judaïsme au XIe siècle et explore les rapports entre chrétiens et juifs au Moyen Âge. Il entremêle également la construction du récit par l’auteur qui passe par un va-et-vient entre l’histoire et le présent, entre la jeune femme persécutée et les recherches du narrateur. C’est dans le village de France où Hertmans possède une maison que leurs chemins se croisent. Dans Une ascension, le dernier roman de Hertmans, le point de départ est une maison à Gand où a vécu l’auteur et qui fut autrefois, comme il le découvre tardivement, la demeure d’un SS flamand. À l’aide de documents et de témoignages, notamment les journaux de la femme de ce collaborateur, il retrace la vie de cet homme et de cette maison, tout comme la période de la Seconde Guerre mondiale en Belgique.

Une veine différente : retour au réel

Les derniers romans de Hertmans, plus ouverts sur la réalité, sondent à la fois l’actualité, l’histoire et l’autobiographie, et peuvent sembler très différents de ses premiers. Les recueils de poésie sont également d’une grande diversité de ton, de style et de thématique, même s’ils présentent peut-être une plus grande continuité. Sa poésie, remplie de métaphores, d’intertextualité et de doubles sens, ne se livre pas aisément et demande un certain engagement de la part du lecteur, comme peut en témoigner son anthologie Sous un ciel d’airain : poèmes, 1975-2018 (Onder een koperen hemel, 2018).
Dans ses essais, comme De mobilisatie van Arcadia de 2011 (« La mobilisation d’Arcadie », non traduit) et Poétique du silence (Het zwijgen van de tragedie, 2007), Hertmans s’exprime sur des sujets divers et se montre un observateur critique et un intellectuel engagé. Il y présente de façon plus marquée sa pensée philosophique où cheminement et exploration importent davantage que le but final.
S’il n’est pas aisé de qualifier en peu de mots l’œuvre de Hertmans, on retrouve cependant tout au long de ses écrits sa quête pour donner une forme et une apparence à l’espace qui l’entoure. Dans la diversité de son œuvre, on observe une récurrence de mots, de thèmes, d’images créant une cohérence interne, comme un « tissu caché », pour faire allusion au titre d’un de ses romans (Het verborgen weefsel, 2008, non traduit en français). Une certaine mélancolie vitale résonne à travers son œuvre. Et c’est là où réside sans doute la vérité de la littérature.
En 2019, Stefan Hertmans a reçu le prestigieux prix néerlandais Constantijn-Huygens pour l’ensemble de son œuvre.