Kara Lennon Casanova
Directrice Déléguée au mécénat et directrice du Fonds de dotation de la BnF
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Richement illustré de 33 miniatures et orné d’un décor secondaire des plus raffinés, le bréviaire présente toutes les caractéristiques d’une commande royale. Le calendrier, établi à l’usage de la Sainte-Chapelle de Paris, mentionne les obits des rois et de plusieurs reines de France, depuis Philippe IV jusqu’à Jeanne de Bourbon, épouse de Charles V décédée en 1378. On y lit, mises en évidence par des lettres rouges ou dorées, les grandes fêtes liturgiques associées à la couronne de France, comme la translation du chef de Saint Louis (17 mai), la réception de la couronne d’épines (11 août) et celle des Saintes Reliques en la Sainte-Chapelle de Paris (30 septembre). Plus loin dans le volume, le sanctoral débute par une rubrique des plus explicites : « Ci commence la seconde partie des saints a l’usaige de Paris selonc l’Ordenance de la Chapelle de l’ostel du roy de France ».
Plusieurs peintures représentent un roi en prière, en qui l’on peut reconnaître Charles V lui-même. Il apparaît ainsi agenouillé devant saint Louis de Toulouse, aux pieds de saint Augustin ou en adoration devant les reliques de la Sainte-Chapelle. Cette dernière image constitue un rare témoignage iconographique de ces reliques qui, jusqu’à la Révolution, contribuèrent au prestige du royaume de France et qui sont, depuis le XIXe siècle, intimement liées à l’histoire de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
L’apparition inopinée sur le marché de ce manuscrit vient étoffer de façon notable le corpus de l’une des productions les plus abouties de l’enluminure gothique, celle du Maître de la Bible de Jean de Sy. La majorité des peintures de l’ouvrage, qui témoignent du raffinement atteint par les enlumineurs travaillant pour la cour de Charles V, sont attribuables avec certitude à cet artiste ou à ce groupe d’artistes actifs à Paris entre 1350 et 1380. Le style, qui s’inscrit dans l’héritage du célèbre peintre Jean Pucelle, se distingue par une tendance au naturalisme, dont t témoignent les paysages ponctués de bouquets d’arbres, la vivacité des figures ou encore la variété des animaux. Les scènes, parfois peintes en semi-grisaille, dénotent un sens aigu de la narration. On recense actuellement une quinzaine d’œuvres du Maître de la Bible de Jean de Sy, majoritairement de provenance princière, dont la moitié sont conservées dans des institutions publiques françaises.
Un second enlumineur, connu sous le nom de Maître du Livre du sacre de Charles V, est l’auteur d’une douzaine des miniatures du manuscrit, dont l’originale composition représentant le roi de France agenouillé devant les Saintes Reliques. Il est l’un des collaborateurs habituels de l’artiste principal et participa à plusieurs grandes commandes royales entre 1350 et 1378.
Au XVIIIe siècle, le bréviaire se trouvait dans la bibliothèque du château d’Anet. Le noyau principal de cette prestigieuse collection provenait de Tanguy IV du Châtel (mort en 1477), grand écuyer de France, gouverneur du Roussillon et grand sénéchal de Provence. En 1609, le château d’Anet et sa bibliothèque échurent aux ducs de Vendôme, puis, en 1718, à Anne de Bavière, veuve d’Henri Jules de Bourbon, prince de Condé. À la mort de cette dernière, en 1723, les livres d’Anet furent transportés à Paris, inventoriés puis vendus, en novembre 1724. Le bréviaire de Charles V fut alors acquis par un membre d’une grande famille britannique et transmis par voie de succession jusqu’en 2015, année où il fit l’objet d’une vente de gré à gré. Il appartient actuellement à un collectionneur étranger.
C’est la première fois depuis plus de 200 ans que la BnF a l’opportunité d’acquérir un manuscrit de la bibliothèque de Charles V. C’est une occasion unique qui ne se présentera sans doute pas avant très longtemps.
Considérée comme la première bibliothèque royale française, la librairie que Charles V avait installée au Louvre en 1368 joua un rôle essentiel en tant que fondement de l’autorité monarchique et comme source d’une culture commune pour l’aristocratie. Elle compta jusqu’à un millier de manuscrits – un chiffre exceptionnel pour une bibliothèque princière. Elle s’appauvrit progressivement après la mort du roi, en 1380, puis elle fut rachetée en 1425 par Jean de Bedford, régent du royaume, et définitivement dispersée à la mort de ce dernier en 1435.
Depuis 2016, la BnF est engagée dans un ambitieux programme d’édition scientifique des inventaires de la librairie royale sous Charles V et Charles VI, avec l’identification systématique et l’analyse exhaustive des ouvrages conservés.
Seuls 185 des volumes présents dans la librairie entre 1380 et 1424 ont été retrouvés à ce jour, dont plus de la moitié sont conservés à la BnF. Les manuscrits provenant spécifiquement de Charles V qui se trouvent aujourd’hui à la BnF sont au nombre de 84 et constituent le cœur historique de ses collections, tels les Grandes Chroniques de France, la Bible de Jean de Sy, le Policratique de Jean de Salisbury, Liber de informatione principum ou encore Voyages de Jean de Mandeville.
Le Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle sera conservé aux côtés des autres manuscrits de la librairie de Charles V, sur le site Richelieu entièrement rénové qui a rouvert ses portes en 2022. Richelieu offre désormais aux visiteurs un accès libre et gratuit à la salle Ovale, ainsi qu’une présentation permanente de trésors des collections dans le nouveau musée qui se déploie entre la salle des Colonnes et la galerie Mazarin.
La BnF vous remercie pour votre mobilisation et votre générosité qui ont permis cette importante acquisition.
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