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Un fabuleux atlas-portulan : l'atlas Boyer
La BnF a acquis l’atlas Boyer, exceptionnel portulan du milieu du XVIIe siècle, classé Trésor national. Ce volume de cartes marines sur parchemin est désormais conservé dans la collection du département des Cartes et plans.
Signé par un cartographe encore inconnu à ce jour, ce grand livre manuscrit de huit feuillets de parchemin est la seule œuvre connue d’Honoré Boyer. Il rejoint l’exceptionnelle collection de cartes-portulans de la BnF. Cette catégorie bibliophilique forgée par les érudits et les collectionneurs au milieu du XIXe siècle désigne les cartes marines sur parchemin apparues au XIIIe siècle en Méditerranée occidentale, d’après un terme dérivé de l’italien « portolano », livre d’instructions nautiques décrivant l’accès aux ports.
Une volonté de cartographier le monde entier
Les cartes de l’atlas Boyer ont été réalisées en 1648 à Marseille, centre de production de cartes marines alors très actif. Il s’agit néanmoins d’une œuvre qui diffère du modèle des atlas marseillais du XVIIe siècle, essentiellement tournés vers le monde méditerranéen. À la carte générale de la Méditerranée, à celles du littoral atlantique de l’Europe, de l’archipel grec et de quelques îles (Sicile, Malte et Elbe) s’ajoute la double présence d’une mappemonde et d’une carte figurant le Nouveau Monde, du Canada au nord du Brésil, fait rare dans la production marseillaise de cette période : ce choix atteste chez son auteur une volonté d’embrasser le monde dans son entier, sans se limiter à la Méditerranée.
Des terres imaginaires
La mappemonde intitulée « Typus orbis Terrarum », en hommage au grand éditeur flamand Abraham Ortelius qui en publia le premier modèle en 1570, présente des caractéristiques tout à fait originales. De forme ovale et orientée le Sud en haut, elle insère les continents et littoraux connus au XVIIe siècle entre une vaste masse continentale au sud, la mythique Terra Australis, et quatre grandes îles au nord plus rarement représentées. On retrouve ces terres imaginaires dans la cartographie portugaise contemporaine, écho de l’hypothèse des antipodes héritée des géographes antiques, revivifiée à la Renaissance à la faveur des grands voyages d’exploration. Ces îles et terres, inventées par les géographes dans leur cabinet et recherchées ardemment par les navigateurs, étaient jugées nécessaires pour équilibrer le globe ; elles nourriront l’imaginaire des explorateurs jusqu’aux voyages de James Cook dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
À l’instar des plus beaux atlas du genre, l’atlas Boyer est orné de roses des vents et d’échelles de distance, de cartouches, écus et blasons, de vignettes urbaines, scènes de chasse, navires et bordures décoratives peints avec des rehauts d’or et d’argent. La fraîcheur et la vivacité des coloris des cartes sont exceptionnelles et l’ensemble, reliure comprise, n’a subi aucune des restaurations qu’ont connues nombre de ces portulans, instruments de savoir nautique, mais aussi objets de culture chargés de rêve et d’imaginaire. L’entrée de ce recueil splendide et original vient compléter opportunément la collection de la BnF au service de la recherche et du patrimoine national.
Catherine Hofmann et Ève Netchine
Article paru dans Chroniques n° 97, avril -juillet 2023