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Willem Frederik Hermans - Bibliographie
À l’occasion du centenaire de la naissance de Willem Frederik Hermans, le 1er septembre 1921, une sélection d’ouvrages de et sur cet écrivain néerlandais majeur, qui reste largement à découvrir en France, sont présentés dans la salle G de la Bibliothèque tous publics.
Romancier majeur et polémiste de premier ordre, Willem Frederik Hermans est considéré depuis longtemps, aux côtés de Harry Mulisch et de Gerard Reve, comme l’un des « Grands Trois », les trois romanciers d’envergure de la littérature néerlandaise du XXe siècle. Dans l’œuvre de ces trois romanciers, la Seconde Guerre Mondiale joue un rôle très important. Hermans, né le 1er septembre 1921, est étudiant au moment de l’Occupation et à la fermeture des universités en 1943, il consacre son temps à la lecture et à l’écriture. Il écrit alors son premier roman, Conserve, mais il ne sera publié qu’en 1947.
Comme Hermans l’a écrit en préambule au recueil de nouvelles Paranoia (1953), c’est essentiellement le chaos de cette période qui le marque, tout comme l’injustice et l’inconnaissable du monde. Cette vision nihiliste traverse toute l’œuvre romanesque de Hermans. Ses personnages se perdent dans une réalité qu’ils ne connaissent pas et elle est peuplée de gens qu’ils ne comprennent pas. Victimes de malveillance et de malentendus, ils finissent par échouer.
Un romancier majeur
Il en est ainsi dans le roman De tranen der acacia’s (Les larmes des acacias), publié en 1949, dont l’intrigue se déroule pendant la Seconde Guerre Mondiale : un jeune homme n’arrive pas à trouver sa place dans la réalité confuse du moment et traverse une crise identitaire. Le roman suscita des réactions violentes à propos de certains passages évoquant ouvertement la sexualité – dans un pays encore pudibond à cette époque – et aussi à propos du tableau qu’il brosse de la Résistance démystifiée.
Ce roman annonce, notamment par son cynisme, La chambre noire de Damoclès (De donkere kamer van Damokles), qui fut publié en 1958 et accueilli comme un chef-d’œuvre. Le personnage principal, Osewoudt, est entraîné dans la Résistance par Dorbeck, à qui il ressemble physiquement comme deux gouttes d’eau – le roman a d’ailleurs été adapté à l’écran en 1962 sous le titre Comme deux gouttes d’eau (Als twee druppels water). Osewoudt agit aux ordres de Dorbeck sans se poser de questions. Mais après la guerre, ce dernier est introuvable et Osewoudt, accusé de collaboration, est incapable de prouver son innocence. Est-il alors héros ou traître ? Victime ou psychopathe ? On peut lire ce texte à la fois comme un roman à suspens se déroulant lors de la guerre, comme un roman psychologique sur un problème identitaire et comme un conte philosophique sur l’inconnaissable de l’homme et de son histoire.
Dans Ne plus jamais dormir (Nooit meer slapen, 1966), souvent considéré comme le meilleur roman de Hermans, l’expédition scientifique en Laponie d’un jeune géologue tourne à l’échec. Le roman est non seulement la relation de cette expédition, l’histoire d’un jeune homme voulant s’affirmer face à son père mais aussi le récit d’une quête n’apportant en fin de compte au protagoniste que la conscience qu’on ne peut connaître la réalité.
et un polémiste nihiliste
Ce nihilisme a caractérisé également les écrits polémiques de Hermans, souvent très acerbes. Le recueil Mandarijnen op zwavelzuur (Mandarines au vitriol), publié en 1964, contient des textes très virulents, notamment à l’égard de ses collègues universitaires. Hermans était en effet professeur de géophysique à l’Université de Groningue, aux Pays-Bas. Mais en 1971, après des rumeurs infondées sur ses activités professorales et de nombreux conflits avec ses collègues et l’Université, il démissionne puis s’établit en 1973 à Paris. Il y écrit le roman Onder professoren (Entre professeurs, 1975) dans lequel il se venge de façon magistrale de ce milieu qu’il dépeint comme étriqué et hypocrite. C’est à Paris, ville que Hermans aimait beaucoup et où il est resté jusqu’en 1992, qu’il écrit son dernier grand roman, Au pair (1989).
Hermans a eu des relations tendues avec son pays d’origine. Ayant refusé en 1972 la plus grande récompense littéraire, le Prix P.C. Hooft, en 1972, il devient persona non grata dans les années 1980 après que la presse eut révélé qu’il avait donné des conférences en Afrique du Sud, pays frappé de boycott par les Nations Unies pour cause de régime d’apartheid.
Il est étonnant que cet écrivain, par ailleurs fervent photographe et grand collectionneur de machines à écrire, ait si peu de romans traduits en français. Il avait jugé la traduction de La chambre noire de Damoclès en 1962 si mauvaise qu’il en refusa par la suite toute autre. Aujourd’hui encore, les héritiers de Hermans ont un droit de regard et de refus sur toute nouvelle traduction. Heureusement depuis 2006, deux titres ont été publiés en français, une nouvelle traduction de La chambre noire de Damoclès et Ne plus jamais dormir. Ils permettent aux lecteurs francophones de découvrir les deux grands romans de Hermans et son univers de « nihilisme créatif, compassion agressive, misanthropie totale », selon ses propres mots, qu’il dépeint avec vitalité et humour.
Pour en savoir plus
- Willem Frederik Hermans à la BnF
- Willem Frederik Hermans à la Digitale bibliotheek voor de Nederlandse letteren
- Willem Frederik Hermans (1921-1995). Huygens ING : resources
- W. F. Hermans Volledige werken. Site dédié à l’écrivain et à l’édition de ses œuvres complètes.