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1924 année surréaliste
Au printemps 1924, André Breton estime qu’il est temps de faire le bilan de l’activité du groupe qu’il anime depuis plusieurs années et qui avait fini par se définir comme surréaliste. À l’issue de la Première Guerre mondiale, ce rassemblement de jeunes poètes, aux contours fluctuants, s’était réuni sous l’étendard de la revue Littérature. Ils avaient en commun un dégoût de la société bourgeoise qui les avait plongés dans une guerre atroce. Toutes les valeurs leur semblaient abolies, toutes les formes d’expression caduques, ils ne voyaient autour d’eux que des champs de ruine. Cet élan négateur avait donné naissance aux cacophonies dada, puis à des expérimentations aux limites de la folie, comme ces séances de rêve éveillé où les poètes exprimaient sous divers états d’hypnose ou d’états suggérés des oracles étranges.
L’un des textes les plus influents du XXe siècle
S’il est question pour le groupe de rédiger un manifeste commun de ses idées, c’est finalement Breton seul qui s’en charge. Il se trouve alors pour quelques mois chez ses parents à Lorient, dans un état de ravissement extrême lié à la rédaction en écriture automatique d’un ensemble de textes publiés la même année sous le titre de Poisson soluble. Emporté par son enthousiasme, il signe certaines de ses plus belles pages, les plus solaires peut-être. C’est dans ce contexte que Breton rédige le Manifeste du surréalisme, l’un des textes les plus influents du XXe siècle. Il y donne la définition la plus aboutie de son esthétique, qui vise à « exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. [C’est une] dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». Pour lui :
le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie.
Un Trésor national mis en ligne sur Gallica
Le manuscrit du Manifeste du surréalisme est aujourd’hui un Trésor national, acheté par la Bibliothèque à l’issue d’une importante campagne de mécénat en 2021 et cette année exposé au musée de la BnF. Il permet de suivre à la trace, rature après rature, la très complexe et sinueuse élaboration de ce texte, dont chaque variante prend des significations théoriques considérables. Grâce à un partenariat exceptionnel lié avec le site internet de l’association Atelier André Breton et avec l’accord généreux de sa fille Aube Elléouët- Breton, l’ensemble des manuscrits de l’auteur ont été versés dans Gallica pour être accessibles à tous. Comme un signe supplémentaire de l’impact universel du Manifeste du surréalisme, à l’occasion du centenaire de sa publication.
Tous les manuscrits d’André Breton sur Gallica
Olivier Wagner
Article paru dans Chroniques n°100, janvier-mars 2024