Apocalypse – Pop culture et post-apo
La littérature, la science-fiction, le cinéma, les BD ou les mangas ont diffusé quantité de représentations nourries par l’angoisse de la fin du monde, qui se sont laïcisées au fil des siècles. Pour en parler, Chroniques a rencontré le journaliste et essayiste François Angelier, commissaire de l’exposition.
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« Le terme d’apocalypse appartient d’abord à la culture religieuse et savante », souligne François Angelier quand on l’interroge sur la place de l’apocalypse dans la culture populaire. « Mais en parallèle de l’Apocalypse de Jean et de sa postérité s’est développé tout un imaginaire qui s’exprime notamment dans les romans et récits dystopiques, la science-fiction, le cinéma ou encore la BD et les mangas. » L’angoisse de la fin du monde nourrit depuis toujours des visions catastrophistes fascinantes et terrifiantes, que les menaces soient naturelles – tremblement de terre, tsunami, astéroïde – ou causées par l’homme – explosion nucléaire, attaque biologique, guerre. Mais alors que l’apocalypse est, dans la culture religieuse, inséparable de l’idée de révélation divine, du dévoilement d’une vérité ultime, cette notion tend à disparaître au fil du temps. « On assiste à une laïcisation de cet imaginaire centré désormais sur le seul spectacle de la catastrophe », poursuit François Angelier. En effet, ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que cette thématique se développe dans la littérature, du Dernier Homme de Mary Shelley (1826), histoire de la décimation de l’humanité par le fléau de la peste, au succès mondial de La Route (2006) de Cormac McCarthy, récit de l’effondrement généralisé, climatique, social et culturel, récemment adapté en bande dessinée par Manu Larcenet.
Le 7e art, fabrique d’imaginaire apocalyptique
Dès ses débuts, le cinéma s’empare du thème de l’apocalypse en s’inspirant des premiers reportages filmés qui dramatisent les destructions causées par tel ouragan ou tremblement de terre, donnant à voir des images de fin du monde. Ainsi naît le genre du film catastrophe, de Déluge (Felix E. Feist, 1933) à l’emblématique Tour infernale (John Guillermin, 1974). « La culture populaire apocalyptique vit au rythme de l’histoire et fabrique des fictions qui répondent aux grands événements traumatiques. C’est sans doute la période de la guerre froide qui en témoigne le mieux », précise François Angelier. On retrouve ainsi l’angoisse du cataclysme dans certaines œuvres de la bande dessinée franco-belge (Hergé, Edgar P. Jacobs), dans des films comme La Jetée de Chris Marker (1962), ou encore dans des séries télévisuelles à succès telle Twilight zone (1959). Mais c’est au Japon qu’apparaît évidemment la projection visuelle la plus puissante née du traumatisme nucléaire, avec le manga Gen d’Hiroshima ou encore Akira de Katsuhiro Otomo, dont les premières pages montrent la destruction de l’ancienne Tokyo, effacée par la Troisième Guerre mondiale. Un imaginaire désenchanté, face à un ciel désormais vide, qui continue de jouer avec les peurs humaines les plus profondes.
Sylvie Lisiecki
Article paru dans Chroniques n° 102, janvier-mars 2025