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Les secrets du Cabinet du roi
Sur le site Richelieu de la BnF, qui rouvrira entièrement ses portes l’été prochain, le décor du XVIIIe siècle du Cabinet du roi vient de bénéficier d’une restauration complète. Elle a notamment permis quelques découvertes inattendues.
Une histoire liée à celle du site Richelieu
Le Cabinet du roi était, sous l’Ancien Régime, le lieu de conservation des collections de monnaies et médailles, mais aussi d’objets précieux antiques et modernes accumulés par les rois de France et transmis à leurs successeurs. À la mort de Louis XIV, la décision fut prise de rapporter ces collections de Versailles à Paris, où les savants les réclamaient pour pouvoir les étudier. Un ambitieux programme décoratif fut lancé dans les années 1740 pour accueillir ces fonds dans les bâtiments de la Bibliothèque royale, rue de Richelieu. Plus d’un siècle plus tard, le projet de réaménagement de la Bibliothèque par Henri Labrouste conduisit à démonter peintures et mobiliers du XVIIIe siècle. Ces décors furent réinstallés dans la nouvelle aile construite par Jean-Louis Pascal le long de la rue Vivienne, dans un nouvel espace dont les lambris et les stucs sont des copies. Le Cabinet actuel est le fruit de cette reconstitution. Sa fonction plurielle, qui en fait à la fois un lieu de conservation des collections, d’étude et de présentation au public, se traduit dans son fastueux décor constitué de seize tableaux et dix médailliers, ainsi que dans son mobilier composé d’une grande table d’étude et d’un ensemble de chaises et fauteuils. Hormis les deux médailliers centraux, ajoutés en 1917, tous les meubles datent des années 1740 et sont l’œuvre des meilleurs menuisiers français de l’époque.
Des découvertes au fil de la restauration
La restauration du Cabinet, menée dans le cadre de l’ambitieux chantier de rénovation du site Richelieu, a apporté quelques belles surprises, notamment en ce qui concerne le décor peint. Figurant les muses et leurs protecteurs, il a été confié à François Boucher – quatre dessus de portes –, Carle Van Loo et Charles-Joseph Natoire – les trumeaux, entre les fenêtres. Une fois restaurées, ces toiles – dans l’ensemble en bon état – ont révélé tout leur éclat. Les trois maîtres ont exécuté ces œuvres eux-mêmes, à une époque où pourtant d’autres peintres d’un même atelier étaient souvent appelés à compléter les tableaux. Mais pour le Cabinet du roi, aucune autre main n’a été décelée au cours de l’étude. Celle-ci a révélé le soin que les trois peintres ont consacré à cette commande mais aussi leurs repentirs. Carle Van Loo a même entièrement repeint certaines parties des tableaux, changeant la position d’un bras ou d’un élément du décor pour donner plus d’harmonie à une toile.
Un portrait plus ancien qu’on ne le pensait
Les deux extrémités de la pièce sont occupées par des portraits de Louis XIV et Louis XV d’après Hyacinthe Rigaud, peintre du roi ; à cette époque, les ateliers de Versailles reproduisaient les grands portraits officiels à destination d’autres institutions. Ces tableaux étaient réputés avoir été détruits à la Révolution, en même temps que tous les emblèmes royaux figurant notamment sur les cadres, et les portraits actuels étaient censés avoir été peints sous la Restauration, en remplacement des tableaux détruits. Curieusement cependant, alors que le portrait de Louis XIV était en bon état au moment où a débuté la campagne de restauration, celui de Louis XV était très endommagé. De larges bandes de repeints horizontaux étaient visibles, semblant signaler que la toile avait été roulée et écrasée. Une campagne d’analyses – par le biais de radiographies et d’étude des pigments – a montré que ce tableau date en réalité du XVIIIe siècle : il a échappé aux destructions révolutionnaires et a été oublié dans les combles de la Bibliothèque avant d’être lourdement remis en état et réinstallé dans le Cabinet au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Complètement restauré, il retrouvera, avec le reste du décor, sa place dans le Cabinet du roi que les visiteurs du futur musée de la BnF pourront bientôt admirer.
Frédérique Duyrat
Article paru dans Chroniques n° 92, septembre-décembre 2021