Avec le soutien de la Fondation Simone et Cino del Duca - Institut de France
10 fév. 2005 Durée : 1 h 10 min
Comment construire une nouvelle éthique contemporaine à partir du filon hédoniste repéré dans l’histoire de la philosophie ?
Il faut refonder une morale « a-théologique », débarrassée de l’épistèmê judéo-chrétienne, encore active dans nos pratiques. L’athéisme judéo-chrétien, avec son éthique impraticable du héros ou du saint, favorise dans le contexte actuel une attitude nihiliste, des tentations conservatrices ou réactionnaires. L’athéisme athée, c’est le refus du « décalogue absolu », et la mise en place d’une règle du jeu immanente : une éthique du sage.
Cette éthique nouvelle peut être qualifiée d’esthétique, après l’éthique théologique puis l’éthique scientifique qui se révèlent aujourd’hui impuissantes, après la grande rupture de 1914-1918, sonnant la fin de l’idée d’universel, notamment dans le domaine de l’esthétique. Il n’y a plus de beau pensable « en soi ». En revanche, le beau peut se construire, et sur tous les supports possibles. Pourquoi pas dès lors faire de sa propre vie une œuvre d’art ? De cette notion de sculpture de soi peut naître une morale résolument matérialiste, considérant que le « dressage neuronal » au plaisir nous forme dans nos actes, et nous permet de trouver notre forme, notre véritable station debout, notre statut d’humain. La pédagogie est donc au cœur du dispositif hédoniste.
Entre des « je » bien constitués peut enfin s’exercer une morale contractuelle, fondée sur la relation incarnée, la rencontre de corps particuliers, émetteurs de signes, qu’il nous appartient de décrypter. De cette attention permanente peut naître une éthique élective, où chacun organise la bonne distance à maintenir avec les autres. Le couple constitue un terrain de travaux pratiques : envisager une érotique solaire, débarrassée de la notion de désir comme manque et déconnectant les notions de procréation, sexualité, amour et fidélité. Le contrat s’éprouve jour après jour dans les gestes, non dans un absolu inatteignable et source de frustrations. Ce nouveau couple serait le premier niveau pour la fondation d’une politique libertaire.
Michel Onfray
Philosophe et essayiste
Explorer cette thématique : Grande conférence Fondation Del Duca - Institut de France
Comment construire une nouvelle éthique contemporaine à partir du filon hédoniste repéré dans l’histoire de la philosophie ?
Il faut refonder une morale « a-théologique », débarrassée de l’épistèmê judéo-chrétienne, encore active dans nos pratiques. L’athéisme judéo-chrétien, avec son éthique impraticable du héros ou du saint, favorise dans le contexte actuel une attitude nihiliste, des tentations conservatrices ou réactionnaires. L’athéisme athée, c’est le refus du « décalogue absolu », et la mise en place d’une règle du jeu immanente : une éthique du sage.
Cette éthique nouvelle peut être qualifiée d’esthétique, après l’éthique théologique puis l’éthique scientifique qui se révèlent aujourd’hui impuissantes, après la grande rupture de 1914-1918, sonnant la fin de l’idée d’universel, notamment dans le domaine de l’esthétique. Il n’y a plus de beau pensable « en soi ». En revanche, le beau peut se construire, et sur tous les supports possibles. Pourquoi pas dès lors faire de sa propre vie une œuvre d’art ? De cette notion de sculpture de soi peut naître une morale résolument matérialiste, considérant que le « dressage neuronal » au plaisir nous forme dans nos actes, et nous permet de trouver notre forme, notre véritable station debout, notre statut d’humain. La pédagogie est donc au cœur du dispositif hédoniste.
Entre des « je » bien constitués peut enfin s’exercer une morale contractuelle, fondée sur la relation incarnée, la rencontre de corps particuliers, émetteurs de signes, qu’il nous appartient de décrypter. De cette attention permanente peut naître une éthique élective, où chacun organise la bonne distance à maintenir avec les autres. Le couple constitue un terrain de travaux pratiques : envisager une érotique solaire, débarrassée de la notion de désir comme manque et déconnectant les notions de procréation, sexualité, amour et fidélité. Le contrat s’éprouve jour après jour dans les gestes, non dans un absolu inatteignable et source de frustrations. Ce nouveau couple serait le premier niveau pour la fondation d’une politique libertaire.