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Le 13e Prix de la BnF a été décerné le lundi 3 octobre 2022 à Pierre Michon.
Considéré comme l’un des plus grands écrivains français contemporains, cet émule de Hugo, Flaubert, Rimbaud ou Faulkner a dédié sa vie à la littérature et révélé, en une quinzaine d’ouvrages, la puissance d’une langue précieuse et rare qui perpétue le souvenir de figures et de lieux oubliés ou disparus.
Né dans la Creuse, dans le village de Châtelus-le-Marcheix, hameau des Cards, le 28 mars 1945, Pierre Michon est élevé par sa mère institutrice, son père ayant quitté le domicile familial. Lycéen à Guéret, il étudie ensuite les lettres à l’université de Clermont-Ferrand, abandonne un mémoire de maîtrise sur Antonin Artaud, puis rejoint une petite troupe de théâtre et voyage dans toute la France.
Vies minuscules
Il entre en littérature à 39 ans avec Vies minuscules (Gallimard, 1984). Un premier ouvrage devenu culte dans lequel il explore sa mémoire familiale et transfigure ceux qui, trop souvent assignés à l’effacement et à l’indifférence, peuplent son Limousin natal. Michon a consacré quatre-vingt-quinze carnets de notes à la rédaction de ces huit vies d’inconnus qu’il a croisés durant son enfance ou sa vie d’errance. Il ne s’agit pas, bien sûr, de biographies exhaustives, mais de courtes nouvelles en forme de biographèmes qui sont à rapprocher de sa propre vie. Si ce premier livre est un coup de maître, c’est sans doute parce qu’il part du profond désir d’être écrivain, de l’improbable nécessité qui le fonde, des difficultés à le devenir, en s’élevant au-dessus de son extraction et de sa province.
Ses textes suivants sont aussi des fictions biographiques, qui explorent son rapport à la création, aussi bien en peinture qu’en littérature, à travers des récits brefs, aux phrases ciselées (Vie de Joseph Roulin, 1988, Rimbaud le fils, 1991), ou des essais sur des écrivains (Trois auteurs,1997, Corps du roi, 2002). Dans ses textes plus romanesques comme La Grande Beune (1995) dominent récits de filiation et fictions historiques : royaumes barbares nés de la chute de Rome (L’Empereur d’Occident, 1989), sombres époques médiévales (Abbés, 2002) ou période de la Terreur (Les Onze, 2009).
et formes brèves
« À mon sens, le roman long, romanesque, sans excipient, puissant sans bavardage, a été mené à son terme au vingtième siècle dans des expériences comme celles de Joyce ou Faulkner, qui ne sont plus faisables. Ils ont mené le genre à sa dernière perfection. […] mon énergie, ou ma jouissance d’écrire, ne se déploie que dans le bref. Le geste artistique qui me paraît le plus admirable au monde est celui de ces vieux peintres orientaux légendaires qui pendant dix ans ne font rien, vont se promener au bord de l’eau, et qui tout à coup en deux minutes et trois coups de pinceau font un admirable canard. On est loin du travail de forçat auquel notre temps voudrait astreindre nos romanciers : un, voire deux livres par an, beaucoup de souffrances et de labeur perdus à chercher des copules. Faire du bref, c’est aussi, idéologiquement, échapper au piège de la production, de la libre entreprise, du marché. »
affirme Pierre Michon dans « Le roman comme superstition », un entretien avec Yaël Pachet paru en octobre 2000 dans la revue Esprit.
Écrire, pour Pierre Michon, est avant tout un travail acharné sur la langue. Ses textes brefs et denses, son écriture profondément orale, s’apparentent souvent à de la poésie en prose. Ils sont marqués par un goût du lyrisme et de sa brisure, célébrant les vertiges conjugués de l’élan, parfois mystique, et de la chute.