Midjelès, tribunal supérieur musulman – M. Laporte, chef du bureau arabe civil. Alger -  - Recueil. Colonisation française de l'Algérie et voyage de Napoléon III en 1865 – BnF
Terminé

Colonisation et guerre d’Algérie : oppositions intellectuelles – Première journée

9 h – 18 h 30

Institut du monde arabe

Midjelès, tribunal supérieur musulman – M. Laporte, chef du bureau arabe civil. Alger - - Recueil. Colonisation française de l'Algérie et voyage de Napoléon III en 1865 – BnF

La Bibliothèque nationale de France et l’Institut du monde arabe (IMA) s’associent pour organiser un colloque sur la question de l’opposition des intellectuels à la colonisation et à la guerre d’Algérie. Celui-ci répond à l’une des recommandations du rapport remis en janvier 2021 au président de la République par Benjamin Stora, historien spécialiste du Maghreb, sur les enjeux mémoriels de la guerre d’Algérie et le travail de vérité et de réconciliation nécessaire entre la France et l’Algérie. La première journée se tient à l’IMA.

La notion d’intellectuel est ici entendue de façon extensive, renvoyant non seulement à des penseurs, des écrivains, mais aussi à des artistes, journalistes, magistrats, avocats et membres de la société civile. Les interventions s’attacheront à replacer ce conflit, qui opposa en Algérie les nationalistes algériens au pouvoir d’État français, dans le temps long de la colonisation. Il reviendra également sur des figures emblématiques de la diversité des prises de position durant cette période, y compris sur le plan international en présentant des figures venant du Maghreb ou d’Europe, sans oublier des parcours iconoclastes et les démarches qui ont visé à sortir des oppositions bloc à bloc. 

« […] les noms et les trajectoires de ceux qui ont refusé le système colonial doivent être portés à la connaissance des jeunes générations, pour que l’on sorte des mémoires séparées, communautarisées. »

Benjamin Stora

Diffusion en direct sur les réseaux sociaux de l’IMA.

Programme

9 h : Accueil
9 h 30 : Présentation : Tassadit Yacine et Tramor Quemeneur

10 h – 12 h : Contestations en longue durée 

Modération par Samia Messaoudi

Tocqueville, portée et limites d’une vision critique
Par Jacques Frémeaux (professeur honoraire, université Paris-Sorbonne)
Alexis de Tocqueville, témoin des débuts de la conquête (1837-1845), fut certainement, grâce à l’étendue de son information et la qualité de sa réflexion, un des plus fins analystes des difficultés que devait affronter le gouvernement français dans son entreprise algérienne. Ses écrits témoignent d’un effort certain pour imaginer un équilibre entre les intérêts supérieurs de son pays, l’avenir de la colonie française et le respect des populations autochtones. On peut se demander, pourtant, s’il crut vraiment que cet équilibre pouvait être trouvé.

Jacques Frémeaux est professeur émérite d’histoire à la Sorbonne, membre de l’Académie des sciences d’Outre-Mer et officier des Arts et Lettres en France. Il a publié une vingtaine d’ouvrages dont, sur l’histoire de l’Algérie contemporaine : Les Bureaux arabes dans l’Algérie de la conquête (Denoël, 1993) ; La Conquête de l’Algérie : la dernière campagne d’Abd el-Kader (CNRS, 2019) ; Algérie 1830-1914 : naissance et destin d’une colonie (Desclée de Brouwer, 2019) ; L’Algérie 1914-1962 : de la Grande Guerre à l’Indépendance (éditions du Rocher, 2021).

Ismaÿl Urbain et les Saint-simoniens 
Par Philippe Régnier (CNRS) 

Isabelle Eberhardt ou la quête impossible d’une colonisation idéale
Par Tiffany Tavernier (romancière et scénariste)
Isabelle Éberhardt, concernant l’Orient et l’Occident, pense qu’il y a un impératif de rencontre entre ratio et mystique qui, s’il ne se réalise pas, signerait le déclin de la civilisation occidentale. À partir de 1898, la réalité du terrain s’avère plus compliquée. Isabelle Éberhardt exerce un regard critique sur la colonisation en cours. 

Après une longue période de voyages, Tiffany Tavernier a écrit son premier roman Dans la nuit aussi le ciel (Poche Seuil, 1999), prix Gabrielle d’Estrée. Depuis, elle a publié une dizaine de livres dont L’Homme Blanc (Poche Seuil, 2001), Isabelle Eberhardt, un destin dans l’Islam (Tallandier, 2017), L’Ami (Sabine Wepieser, 2021) finaliste prix RTL, prix Inter, Prix des libraires. En parallèle, elle a écrit des longs-métrages et des documentaires pour le cinéma et la télévision (Ça commence aujourd’hui, Holy Lola, Vincennes, l’université perdue).

La Ligue des droits de l’Homme
Par Gilles Manceron (historien)
Dès sa fondation lors de l’affaire Dreyfus, la LDH s’est souciée du respect des droits de l’Homme en Algérie, en regard non seulement  de l’antisémitisme qui y déferlait avec Édouard Drumont et les députés « antijuifs », mais aussi du statut d’infériorité des « indigènes musulmans » et des violations de leurs droits. Jusqu’en 1914, elle a suivi l’évolution de Jean Jaurès vers l’anticolonialisme et dénoncé les injustices régnant en Algérie comme dans les autres colonies. À partir de 1958, elle a opéré un tournant en dénonçant la guerre d’Algérie. 

Gilles Manceron est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Marianne et les colonies (La Découverte, 2003), avec Madeleine Rebérioux, Droits de l’Homme. Combats du siècle (Le Seuil, 2004) et avec Emmanuel Naquet, Être dreyfusard hier et aujourd’hui (Presses universitaires de Rennes, 2009). Il a été vice-président de la Ligue des droits de l’Homme et est président de l’association Histoire coloniale et postcoloniale (histoirecoloniale.net).


De Maurice L’Admiral à Albert Smadja et Pierre Popie, trois générations d’avocats d’Algérie en lutte contre l’injustice coloniale (1900-1962)
Par Christian Phéline (historien)
La succession sur trois générations de membres des barreaux algériens s’étant mobilisés contre l’injustice coloniale mérite d’être rappelée. Elle va d›« indigénophiles » comme le Guadeloupéen Maurice L’Admiral, défenseur des révoltés de Margueritte (1901), à Léonce Déroulède et Yves Dechezelles, avocats de Messali Hadj et des emprisonnés du PPA à partir des années 1930 et 1940. Elle concerne aussi une phalange de jeunes professionnels plaidant la cause de militants indépendantistes, qui, jusqu’à 1962, paya un lourd tribut à la répression et aux assassinats par la Main Rouge ou l’OAS.

Christian Phéline est notamment l’auteur d’Un Guadeloupéen à Alger, Me Maurice l’Admiral (2014), de Les Avocats indigènes dans l’Alger coloniale (2015), de Aurès 1935, photographies de Thérèse Rivière et Germaine Tillion (2018), Sans souliers ni chemise, lettres de prison de révoltés de Margueritte (2019), La Terre, l’Étoile, le Couteau. Le 2 août 1936 à Alger (2021).

Présentation du fonds saint-simonien de la BnF
Par Anne-Bérangère Rothenburger (conservatrice des bibliothèques)


13 h 30 – 16 h : Actrices et acteurs de l’anticolonialisme

Modération par Samia Messaoudi

Les surréalistes et la guerre d’Algérie. De la défense de Messali Hadj à la Déclaration des 121
Par Michel Carassou (éditeur et écrivain)
L’entrée en politique du mouvement surréaliste, en 1925, s’est faite en réaction à la guerre du Rif. Dans les années 1930, contre le PCF, les surréalistes prennent parti pour l’Étoile nord-africaine, le principal mouvement nationaliste algérien, et son leader Messali Hadj. Quand éclate la guerre d’Algérie, les surréalistes avec l’extrême gauche soutiennent le parti créé par Messali Hadj, en butte à l’hostilité du FLN. Des surréalistes figurent aussi parmi les initiateurs et signataires du Manifeste des 121.

Après avoir été directeur éditorial de CNRS Éditions, Michel Carassou a créé et codirigé les éditions Paris-Méditerranée, puis en 2005 les éditions Non Lieu. En tant que chercheur, ses derniers titres publiés sont Le Surréalisme par les textes (Classiques Garnier, 2013), en collaboration avec Henri Béhar, et une édition critique du Lundi existentiel de Benjamin Fondane (Non Lieu, 2021). Il s’est également intéressé à l’histoire des revues littéraires et à l’histoire de l’homosexualité au XXe siècle (Inversions suivi de L’Amitié (Non Lieu, 2016). 

Frantz Fanon, un intellectuel psychiatre pour l’indépendance de l’Algérie
Par Pascale Pellerin (CNRS, IHRIM/Lyon 2)
Frantz Fanon, psychiatre martiniquais, publie en 1952 son premier essai, Peau noire, masques blancs. Il obtient un poste en 1953 à Blida en Algérie. Comme militant et psychiatre, il veut détruire le système colonial pour libérer à la fois le colon et le colonisé. Il s’engage très vite aux côtés du FLN. C’est un fils des Lumières qui n’a pas rejeté cet héritage mais, qui, au contact des indépendantistes algériens, a été amené à transformer la conception abstraite des droits de l’homme en lutte concrète du droit des peuples.

Pascale Pellerin travaille depuis plusieurs années sur la construction des Lumières dans la conquête et la colonisation de l’Algérie. Elle a publié un essai, Les Philosophes des Lumières dans la France des années noires et dirigé deux volumes, Rousseau, les Lumières et le monde arabo-musulman (Garnier, 2017) et Les Lumières, l’esclavage et l’idéologie coloniale (Garnier, 2020). Elle est l’autrice d’une soixantaine d’articles.

Robert Barrat (1919 - 1976) : un intellectuel catholique engagé dans la guerre de Libération nationale algérienne
Par Malika El Korso (université d’Oran)
Journaliste, militant catholique de la lutte anticoloniale, Robert Barrat reste une des figures les plus emblématiques des catholiques de gauche, dont le premier contact avec l’Algérie a lieu en 1939. Il est approché par un groupe d’Algériens, à Paris, qui l’alertent sur la situation en Algérie en avril 1954. Les voyages qu’il entreprend par la suite en tant que journaliste font qu’il prend fait et cause pour la Révolution algérienne dont il sera l’un des animateurs auprès des métropolitains, ce qui lui vaudra bien des déboires auprès des autorités politiques et judiciaires.

Malika El Korso est notamment l’autrice d’Algérie 1954-1962, la torture en question : le dossier Jean Muller (Dahleb, Alger, 2013), et de La Guerre de libération nationale algérienne à travers Témoignage Chrétien. 1954-1962 (ANEP, Alger, 2014). 


Francis Jeanson et les porteurs de valises : quelle(s) histoire(s) ?
Par Marie-Pierre Ulloa (Stanford University) 
« Le réseau Jeanson » demeure la trace historique la plus saillante du philosophe sartrien Francis Jeanson (1922-2009). La puissance symbolique de son nom évoque l’un des épisodes les plus clivants de l’histoire de la guerre d’Algérie, celui d’un réseau de Français qui ont pris fait et cause pour l’indépendance de l’Algérie et pour le FLN en France. Il s’agira de revenir sur les modalités de l’engagement des porteurs de valises, de mettre en lumière le rôle des femmes du réseau et de faire le point sur l’historiographie des réseaux des porteurs de valises en 2021.

Marie-Pierre Ulloa est l’autrice de Francis Jeanson, un intellectuel en dissidence, de la Résistance à la guerre d’Algérie (Stanford University Press, 2008) et Le Nouveau Rêve américain, du Maghreb à la Californie (CNRS Éditions, 2019). Ses recherches portent sur l’histoire culturelle et intellectuelle de la France et du Maghreb.

Gisèle Halimi. Le corps des femmes
Par Zineb Ali Benali (professeur honoraire, université Paris 8) 
Gisèle Halimi a été avocate du FLN de 1955 à 1962. Deux affaires retiennent particulièrement l’attention : El Halia en 1955 et Djamila Boupacha à Alger en 1960. Elle se bat pour l’établissement de la vérité, contre la machine judiciaire des tribunaux d’exception, en s’attachant à ce que les corps ne soient pas oubliés : le corps torturé et éliminé, et le corps (féminin) pour lequel le viol est la dernière étape de la torture.

Zineb Ali Benali a notamment publié « Écritures féminines des pays du Maghreb : conditions d’émergence et problématiques », in Revue d’études francophones (n°19, 2009) et « Le corps refait », Catherine Brun et Todd Shepard (dir.), La Guerre d’Algérie, le sexe outragé (CNRS Éditions, 2016).

La « guerre des manifestes »
Par Tramor Quemeneur (université Paris 8 Cergy-Pontoise)
En septembre 1960, alors que s’ouvre le procès du « réseau Jeanson », du nom du philosophe existentialiste Francis Jeanson à la tête d’un réseau d’aide clandestin au FLN, 121 intellectuels, bientôt rejoints par 125 autres, signent une Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, autrement dénommée Manifeste des 121. Ce qui apparaît alors comme un scandale politique et intellectuel provoque la réaction d’intellectuels favorables à « l’Algérie française » qui publient en retour un Manifeste des intellectuels français pour la résistance à l’abandon. Mais plus de 16 000 signataires rejoignent ensuite l’Appel à l’opinion pour une paix négociée, dont Paul Ricœur, Roland Barthes, Edgar Morin ou encore Jacques Prévert.

Tramor Quemeneur a notamment codirigé 8 novembre 1942. L’Afrique du Nord dans la Seconde Guerre mondiale (Le Croquant, 2021) et La Guerre d’Algérie revisitée. Nouvelles générations, nouveaux regards (Karthala, 2015). Il est aussi l’auteur de La Guerre d’Algérie (éditions Prisma Géo, 2012) et est membre du Conseil d’orientation du Musée national d’histoire de l’immigration (MNHI).


Présentation des collections de presse de la BnF sur la guerre d’Algérie


16 h 30 - 18 h 30 : Comparaisons et transmissions

Modération par Nathalie Funès

Édouard Méric : un officier supérieur artisan atypique de la décolonisation en Tunisie et au Maroc: 1954-1956 
Par Daniel Rivet (professeur honoraire, université Paris-Sorbonne)
Le général Méric (1901-1973) fut d’abord un officier des Affaires indigènes dans l’extrême sud du Maroc de 1926 à 1941. Au cours d’une affectation en Cochinchine après 1945, il réalise que l’ère coloniale est révolue et qu’il s’agit de passer la main aux élites auto-européanisées. En Tunisie et au Maroc, il agira en ce sens en tant que dernier directeur de l’Intérieur des deux protectorats.

Parmi les nombreuses publications de Daniel Rivet, nous retiendrons sa thèse consacrée à Lyautey et l’institution du protectorat français au Maroc, 1912-1925 (3 vol., L’Harmattan, 1988), Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation,1830-1962 (Hachette-Littérature, 2002) et Histoire du Maroc, de Moulay Idriss à Mohammed VI (Fayard, 2012).


L’intelligentsia critique face à la décolonisation tragique, de l’Indochine à l’Algérie
Par Alain Ruscio (historien)
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la France est entrée dans un nouveau cycle de conflits, souvent violents, parfois ouvertement armés (1945-1962). En métropole, des intellectuels, dont certains de renom (François Mauriac, Jean-Paul Sartre, Claude Bourdet, Simone de Beauvoir, Albert Camus, Louis Aragon, Marguerite Duras, et bien d’autres) ont commenté avec sévérité les engagements de la France officielle et ont, dans quelques cas, franchi le pas de l’action militante, voire illégale, en faveur des colonisés.

Les derniers ouvrages d’Alain Ruscio portent sur l’histoire de l’Algérie et ses répercussions dans la société française : Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS (2015) ; Les Communistes et l’Algérie, des origines à la guerre d’indépendance, 1920-1962 (2019). Il coordonne depuis trois années la publication d’une Encyclopédie de la colonisation française (4 volumes parus, éditions Les Indes savantes).

War and the ivory tower, vingt ans après
Par David L. Schalk (professeur honoraire, Vassar college)

La gauche italienne contre la guerre d’Algérie. L’extraordinaire campagne de soutien à Gilberte et Henri Alleg
Par Andrea Brazzoduro (université Ca’ Foscari de Venise) 
Au-delà de cercles gouvernementaux et des prises de positions d’intellectuels bien connus, l’impact de la guerre d’indépendance algérienne sur la société italienne fut assez important. En se focalisant sur l’extraordinaire campagne de soutien à Gilberte et Henri Alleg lancée par le quotidien communiste l’Unità en septembre-octobre 1958, il s’agira de montrer l’ampleur de cet impact dans un pays fortement marqué par une vive mémoire de la récente lutte antifasciste.

Andrea Brazzoduro, chercheur invité à l’université d’Oxford (Faculty of History et Maison Française d’Oxford), est boursier Marie Sklodowska-Curie Global Fellow à l’université Ca’ Foscari de Venise où il est Principal Investigator pour le projet de recherche Horizon 2020 « Algeria, Antifascism, and Third Worldism : An Anticolonial Genealogy of the Western European New Left (Algeria, France, Italy, 1957–75) ».
 

Informations pratiques

Tarif et conditions d’accès

 

Entrée gratuite sur réservation

date et Horaires

Samedi 21 janvier 2022
9 h - 18 h 30

Accès

Institut du monde Arabe
1, rue des Fossés Saint-Bernard, Paris Ve