Diffusion en ligne – Le cycle « Débats au cœur de la science », dont la première saison est intitulée Demain, la vie ?, invite plusieurs scientifiques à apporter leur éclairage sur un thème qui agite la communauté scientifique ou, plus largement, la société. Consacrée aux modèles de production agricole et alimentaire, cette séance confronte les points de vue d’un biologiste, d’une spécialiste de bioprotection des cultures et d’un économiste.
Avec Vincent Bretagnolle, écologue, Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS, La Rochelle Université), Jean-Louis Bernard, président 2019 de l’Académie d’agriculture de France et David Cayla, enseignant-chercheur en économie à l’université d’Angers.
Selon les projections démographiques, la population mondiale devrait augmenter de deux milliards d’individus d’ici à 2050. Pourrons-nous relever le défi qui consiste à nourrir une population de presque 10 milliards de personnes ? Pourquoi aujourd’hui près de 690 millions d’êtres humains souffrent de la faim, alors que le gaspillage alimentaire représente 30% de la production agricole mondiale et qu’un milliard de personnes souffrent de surpoids ?
Aujourd’hui, les agrocarburants concurrencent fortement les usages alimentaires de certaines productions végétales et l’agriculture comme l’élevage sont à l’origine de problèmes environnementaux majeurs : augmentation des gaz à effet de serre, dégradation des sols, perte de biodiversité, pollution de l’air et des eaux par l’utilisation massive d’engrais, de pesticides, d’antibiotiques.
L’agro-écologie qui réintroduit de la diversité dans les systèmes de production agricole serait-elle alors une solution d’avenir pour tous ? Ou bien au contraire, pour faire face à la demande alimentaire, ne faut-il pas miser sur une plus grande fréquence des récoltes et l’amélioration des rendements grâce à l’irrigation, à l’usage d’intrants de synthèse, à la sélection et aux biotechnologies ?
Une autre question mérite d’être posée : qui, aujourd’hui, nourrit la population mondiale ? 70 % des terres agricoles appartiennent à 1 % des exploitants. Les petites fermes représentent encore plus de 85 % de toutes les exploitations agricoles de la planète. Génératrices d’emplois, elles participent à la dynamique locale. Or dans les pays en voie de développement, l’agriculture de rente progresse au détriment de l’agriculture vivrière. En Europe, les exploitants agricoles ont les plus grandes difficultés à affronter la compétition des prix agricoles et la tendance est à la concentration des terres.
Ici et là-bas, les solutions existent pour réinventer des systèmes agricoles vertueux. Elles requièrent probablement un changement de gouvernance des instances internationales et régionales associé à une prise de conscience citoyenne.
Les avis sont très partagés, le débat est loin d’être tranché.
Vincent Bretagnolle
Vincent Bretagnolle est écologue, directeur de recherches au Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS, La Rochelle université) où il a créé et dirige la Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre (département des Deux-Sèvres), site pilote pour l’expérimentation de systèmes de culture innovants permettant de satisfaire les besoins socioéconomiques tout en préservant la biodiversité. Sur ce territoire de plaine céréalière de 450 km² regroupant 450 exploitations, l’équipe tente d’inventer un modèle agricole alternatif auquel sont associés les agriculteurs et les apiculteurs mais aussi les habitants des 28 communes que compte le territoire.
Vincent Bretagnolle a par ailleurs coordonné Écobiose, un travail prospectif interdisciplinaire sur la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine qui a permis, avec la contribution de 110 scientifiques, d’évaluer la dépendance de l’économie et de la culture régionales aux écosystèmes naturels.
Parmi les publications auxquelles il a participé, on citera l’article « Quelles questions émergentes pour les politiques publiques de biodiversité en France métropolitaine ? Résultats et perspectives » (Nature Sciences Société, 2015) et l’ouvrage Rapaces nicheurs de France : distribution, effectifs et conservation, co-écrit avec Jean-Marc Thiollay (Delachaux et Niestlé, 2004).
Jean-Louis Bernard
Membre titulaire de l’Académie d’agriculture de France depuis 2013, Jean-Louis Bernard est spécialiste de la protection des cultures agricoles par agrochimie, biocontrôle et agro-écologie. Son parcours professionnel l’a amené à exercer des responsabilités variées dans des entreprises et associations en lien avec ce domaine d’expertise. Après la création de ZENECA en 1993, il est responsable du développement des herbicides pour la France, puis chargé des relations extérieures et de l’environnement à la direction Europe de ZENECA-Agrochemicals. Entre 2001 et 2007, il est responsable Relations extérieures, environnement et agriculture durable pour SYNGENTA-Agro, vice-Président de l’Association française de protection des plantes (AFPP) et membre du Comité d’orientation pour des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement (CORPEN). Il est par ailleurs auteur, co-auteur ou coordinateur de plusieurs ouvrages dont Histoire de la protection des cultures : de 1850 à nos jours (Éditions Champ libre, 2010), Le Tout-bio est-il possible ? (Quae, 2012) ou Biocontrôle en protection des cultures (L’Harmattan, 2017).
David Cayla
David Cayla est maître de conférences en économie à l’Université d’Angers et chercheur au GRANEM (Groupe de Recherche ANgevin en Économie et Management). Défenseur d’une économie hétérodoxe ouverte aux autres sciences sociales, il a rejoint en 2013 le collectif des Économistes atterrés, qui dénoncent les dangers du néolibéralisme. Il a publié en 2018 L’Économie du réel : face aux modèles trompeurs (De Boeck Supérieur), livre dans lequel un chapitre est consacré à la question agricole, puis en 2020 Populisme et néolibéralisme. Dans ce dernier ouvrage, il tente de montrer en quoi une gestion néolibérale de l’État et de nos économies a pour effet de favoriser l’émergence de populismes autoritaires.
Sur la question agro-alimentaire, il présente ses thèses de manière claire et didactique dans une conférence qu’il a donnée le 8 novembre 2019 dans le cadre de l’Université permanente de Nantes : La science économique face à la crise agricole(disponible en ligne).
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En raison des conditions sanitaires, cet événement ne peut avoir lieu en présence du public et sera diffusé sur notre chaîne Youtube et sur cette page le 28 mai à 18 h 30.
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Vendredi 28 mai 2021
18 h 30 – 20 h