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Les incunables
Incipit de la Bible de Gutenberg
Un fonds constitué dès le XVe siècle
Les origines du fonds d’incunables de la BnF remontent au XVe siècle. Lorsque le roi Louis XII épouse en 1499 Anne de Bretagne, veuve de son prédécesseur Charles VIII, il fait transférer d’Amboise au château de Blois la « librairie » de ce dernier. Des exemplaires sur vélin somptueusement enluminés de quelques trente éditions parisiennes, ainsi que plus de deux cents livres sortis des presses des premiers imprimeurs italiens et saisis en 1495 dans la bibliothèque des rois aragonais de Naples, entrent ainsi dans la librairie royale de Blois, noyau le plus ancien de la Bibliothèque nationale.
Le premier apport important, dès 1495, est une prise de guerre : la bibliothèque des rois aragonais de Naples. Cette saisie fait entrer à la bibliothèque royale de nombreux incunables dont près de 250 sont aujourd’hui identifiables.
Quelques incunables seulement furent encore présentés à Louis XII tout au début de son règne. deux saisis par lui en 1500 dans la bibliothèque des Visconti-Sforza à Pavie. Ceux que François Ier avait hérités de ses parents, Charles d’Angoulême et Charlotte de Savoie, furent versés dans la Bibliothèque royale après le transfert de celle-ci à Fontainebleau en 1544. Les quelques autres que le roi ou son successeur Henri II firent acquérir ou reçurent en don étaient avant tout des textes grecs imprimés en Italie. Transférée à Paris à la fin des années 1560, la Bibliothèque royale ne s’enrichit plus d’imprimés pendant presqu’un siècle.
Des dons et achats importants aux XVIIe et XVIIIe siècles
Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir s’accroître la collection d’incunables, dans le contexte d’expansion que connaît alors la Bibliothèque sous l’autorité de Colbert : le legs de la bibliothèque de Gaston d’Orléans (1608-1660) fit entrer une quinzaine d’incunables et les échanges contraints avec la bibliothèque Mazarine en 1668 au moins 130.
Au XVIIIe siècle apparurent des collectionneurs spécialisés. La bibliothèque de Jean-Pierre Imbert Chastre de Cangé (mort en 1746), acquise en bloc en 1733, fait entrer une soixantaine d’éditions souvent rares. Mais c’est surtout la dispersion, en 1784, de la fameuse collection du duc de La Vallière, le plus grand bibliophile français du XVIIIe siècle, qui permet un accroissement notable de la collection d’incunables : 290 incunables furent alors adjugés à la Bibliothèque.
Joseph Van Praet et les confiscations révolutionnaires et impériales
C’est à Joseph Van Praet que le fonds d’incunables doit sa richesse actuelle. Il est employé par la Bibliothèque du Roi dès 1783 ou 1784, en charge des collections imprimées. Il reste en poste sous tous les régimes entre l’Ancien Régime finissant et la monarchie de Juillet. Il enrichit considérablement le fonds d’incunables, que ce soit par des achats lors de ventes parisiennes : collection du duc de La Vallière en 1784, de celle du cardinal Étienne-Charles de Loménie de Brienne en 1792, ou plus ponctuellement, lors de ventes françaises ou étrangères. La chance de ce bibliothécaire, qui veut rivaliser avec les plus grandes bibliothèques étrangères, est d’être en place lors des conquêtes de la Révolution puis de l’Empire. Les confiscations dans les couvents parisiens, en 1790 et 1791, restèrent relativement modérées mais il n’en alla pas de même pour les fonds italiens, belges ou allemands.
Les restitutions imposées en 1815, après Waterloo, ne concernèrent pas systématiquement les imprimés. Et la bibliothèque conserva ainsi des volumes provenant de la Marciana de Venise, de la Braidense de Milan, de l’Estense de Modène, ou de la bibliothèque ducale de Wolfenbüttel (saisies de 1796), des bibliothèques universitaires de Ferrare et de Gênes, du chapitre de la cathédrale de Padoue, de la Biblioteca Apostolica Vaticana de Rome (saisies de 1797). Une douzaine de volumes saisis en 1809 à la Bibliothèque impériale de Vienne en Autriche échappèrent eux aussi aux restitutions de 1815. Les collections de vélins et d’incunables continuent de se développer après la chute du Premier Empire : la cassette personnelle de Louis XVIII permet encore bien des achats. Plusieurs acquisitions de livres choisis lors de diverses ventes sont réalisées dans les années 1840.
Échanges, dons et achats de la fin du XIXe siècle au XXe siècle
Léopold Delisle, administrateur général de 1874 à 1905, s’attache à combler les lacunes qui subsistent dans la collection d’incunables laissée par Joseph Van Praet. Il enrichit la collection par des achats chez des libraires ou lors de ventes, comme celles d’Ambroise Firmin-Didot (1876-1884) et du baron Jérôme Pichon (1897-1884), ou par des échanges avec d’autres bibliothèques. Il s’inspire ainsi de méthodes pratiquées par Colbert : lors d’échanges qui ne leur furent guère favorables, la Bibliothèque Mazarine à Paris, mais aussi les bibliothèques municipales de Besançon, Montluçon, Nice, Pont-à-Mousson et Rodez, durent céder un nombre non négligeables d’incunables à la Bibliothèque nationale.
Achats, dons, dépôts et legs se poursuivent au XXe siècle. Le don des héritiers du collectionneur Auguste-Alexandre Lesouëf (1829-1913), le legs en 1922 de Salomon-James de Rothschild (1835-1864), le legs en 1941 du bibliographe Seymour de Ricci (1881-1942), et surtout la prestigieuse collection d’Henri de Rothschild (1872-1947) entrée en 1949 au Département des Manuscrits sont venus enrichir le fonds d’incunables de la Bibliothèque nationale.
La publication du Catalogue des incunables de la BnF (CIBN) est en voie d’achèvement (8 volumes parus à ce jour, avec un premier volume paru en 1981). Le CIBN décrit les incunables conservés dans les départements de la BnF, hormis la Bibliothèque de l’Arsenal, dont le fonds justifie une publication distincte. L’ultime volume, à paraître, contiendra les index et les concordances, ainsi qu’un nouveau supplément.