Michel Agier
Anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.
Conception et coordination : Roland Schaer, philosophe, auteur de Les origines de la culture et Répondre du vivant (ed. Le pommier)
Anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.
Pourquoi, aujourd’hui, se demander ce que c’est qu’habiter ? Du grec oikos, la maison, le milieu, l’habitat, viennent l’économie et l’écologie, nos deux sciences, nos deux techniques, de l’habiter. Écologie : peut-être avons-nous rendu la terre inhabitable à force de vouloir l’habiter ? Peut-être avons-nous détruit, ou fragilisé, cet « oikos », cette demeure propice à la vie, à force de vouloir en faire « notre » demeure ? Économie : dans le contexte de « mondialisation », on sent monter une protestation, parfois une révolte, contre tout ce qui, dans un monde devenu un marché, détruit des habitats humains, fabrique des déserts modernes, et provoque de grandes migrations. Une protestation qui est sans doute un désir d’habiter. Faut-il pour autant se résigner à ce qu’habiter, ce soit s’enfermer derrière des frontières, derrière des murailles, « entre nous » ? Et quand on dit « nous », de qui parle-t-on ? Que voudrait dire que nous avons à rendre le monde habitable ?
À l’heure de la mondialisation et des mobilités internationales, les frontières se multiplient - qu’elles soient géopolitiques, sociales, culturelles, biologiques. Décrire et comprendre les nouvelles situations de frontière dont, en particulier, les personnes en déplacement font l’expérience, permettra de donner un sens et des mots à la transformation des sociétés par la mobilité. Dans ce cadre, les camps et campements apparaissent comme des forme d’immobilisation partielle des mobilités, mais aussi comme des manières d’habiter la frontière.