Catherine Larrère
Philosophe, professeur émérite à l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne.
Conception et coordination : Roland Schaer, philosophe, auteur de Les origines de la culture et Répondre du vivant (ed. Le pommier)
Philosophe, professeur émérite à l’université Paris I – Panthéon-Sorbonne.
Pourquoi, aujourd’hui, se demander ce que c’est qu’habiter ? Du grec oikos, la maison, le milieu, l’habitat, viennent l’économie et l’écologie, nos deux sciences, nos deux techniques, de l’habiter. Écologie : peut-être avons-nous rendu la terre inhabitable à force de vouloir l’habiter ? Peut-être avons-nous détruit, ou fragilisé, cet « oikos », cette demeure propice à la vie, à force de vouloir en faire « notre » demeure ? Économie : dans le contexte de « mondialisation », on sent monter une protestation, parfois une révolte, contre tout ce qui, dans un monde devenu un marché, détruit des habitats humains, fabrique des déserts modernes, et provoque de grandes migrations. Une protestation qui est sans doute un désir d’habiter. Faut-il pour autant se résigner à ce qu’habiter, ce soit s’enfermer derrière des frontières, derrière des murailles, « entre nous » ? Et quand on dit « nous », de qui parle-t-on ? Que voudrait dire que nous avons à rendre le monde habitable ?
« Les hommes, par leurs soins et de bonnes lois, ont rendu la terre plus propre à être leur demeure », écrit Montesquieu (Esprit des lois, XVIII, 9). Faut-il considérer l’époque que l’on propose de nommer anthropocène, comme celle où les hommes ont rendu la terre inhabitable ? Ce contraste nous apprend-il quelque chose sur l’habiter ?